Les fruits pourris du libre-échange et d’une diplomatie atlantiste
La diplomatie française, accolée depuis 2007 aux exigences américaines, ne mesure décidemment pas les effets néfastes de son suivisme sur l’avenir des peuples européens. Et il est parfois des retours de bâtons qui trahissent tout à la fois la déliquescence de la voix singulière de la France dans le monde, et l’inconsistance de choix diplomatiques avant tout guidés par les exigences de la puissance étatsunienne. L’intense campagne des médias dominants, minimisant à longueur d’antenne ou de papier les impacts politiques, économiques et sociaux pour les pays européens, d’une mise à l’index de la Russie n’aura échappé à personne. Reste la réalité des faits. Pour le secteur agricole et agroalimentaire, l’embargo mis en place par la Russie sur les principaux produits en réplique aux sanctions décidées par les Etats-Unis et l’Union Européenne, aura des conséquences dramatiques pour quasiment toutes les filières.
La première impactée est sans aucun doute celle des fruits et légumes. Une nouvelle fois, les producteurs se trouvaient déjà cet été dans une situation économique désastreuse. Comme l’ont souligné les syndicats agricoles, les volumes d’importation de fruits et légumes en France se situaient à des niveaux très élevés. Et comme chaque année, les stratégies de marge de la distribution sont appliquées sans vergogne, sans réaction de la puissance publique, qui laisse les producteurs subir des prix d’achat souvent inférieurs aux coûts de production.
D’autre part, nous le savons, ces mêmes producteurs français sont les victimes des importations déloyales au regard des normes sociales et sanitaires des pays tiers. Ainsi, l’absence d’une protection sociale et de droit du travail harmonisé par le haut au niveau européen, continue de favoriser un dumping social massif sur les salariés de l’agriculture. Il se double d’un véritable dumping environnemental. Pour garantir la santé publique, de très nombreux produits phytosanitaires sont interdits aux producteurs français et les conditions d’utilisation de ceux qui sont autorisés sont extrêmement rigoureuses. Mais les productions françaises subissent la concurrence de produits venant des pays qui n’ont pas les mêmes règles sanitaires et qui utilisent toujours des produits de traitement interdits en France. Ces fruits et légumes d’importation ainsi traités seraient interdits à la vente s’ils étaient cultivés dans notre pays, mais sont autorisés s’ils viennent de l’étranger au détriment des consommateurs et des producteurs français.
En plus de ces dérives, les producteurs doivent donc faire face depuis quelques jours à des importations massives de fruits et légumes, notamment espagnols, suite aux mesures d’embargo prises par la Russie en lien avec les positions françaises et européennes prises dans le cadre de la crise ukrainienne. Des stocks très importants sont ainsi écoulés à prix bradés sur le marché français, venant casser les prix d’achat. En jouant la seule diplomatie du dollar, et en abandonnant sciemment tous les outils de régulation des marchés contenus dans la Politique Agricole Commune, l’Union Européenne et la France auront réussi à rassembler tous les grands ingrédients d’une grave crise agricole en Europe. Et l’ensemble des filières risque bien d’être impactés. De véritables mesures d’urgence et de garantie des prix d’achat doivent être prises, avec en priorité l’application immédiate du coefficient multiplicateur tel que prévu à l’article L 611-4-2 du code rural.