Coût du capital : circulez, y’a rien à voir !
En intervenant le 16 septembre dernier pour expliciter le refus des députés du Front de Gauche d’accorder la confiance au nouveau Gouvernement de Manuel Valls, je réservais une partie importante de mon propos à la problématique essentielle des gâchis financiers et à celle du coût du capital, qui grèvent chaque année une part déterminante de nos capacités budgétaires et d’investissement. Le Premier ministre n’ayant pas jugé utile d’y faire référence, je considérais qu’il s’agissait d’un véritable dû pour les millions de personnes qui attendent que tous les éléments de la situation économique et financière du pays soient mis sur la table de façon objective. Malgré sa volonté affirmée de parler directement aux Français, et de faire preuve de « réalisme », le Premier ministre ne fait aucune référence dans sa réponse à ces deux problématiques.
Ainsi, je considère que si l’on veut parler « d’économie » et « de relance de l’emploi » aux 6 millions de chômeurs inscrits à Pôle Emploi, toutes catégories confondues, on ne peut occulter volontairement les 300 milliards d’euros versés chaque année aux actionnaires et aux banques en intérêts.
De même, je considère que si l’on veut parler de la « réalité budgétaire » du pays, ou de sa dette, soi-disant exorbitante, aux 9 millions de personnes qui vivent sous le seuil de pauvreté, on ne peut occulter volontairement le fait que 80 milliards d’euros sont volés chaque année au budget de l’État par les pratiques de fraude et d’évasion fiscale des grands groupes, des actionnaires et des plus riches.
Si l’on veut s’adresser directement aux 3,5 millions de salariés avec un statut précaire, aux 2 millions de travailleurs pauvres qui ont des revenus de moins de 800 euros par mois, aux 5 millions de travailleurs à temps partiel, dont 80 % sont des femmes, on ne peut écarter d’un revers de main la gabegie des dividendes - 40,7 milliards de dollars versés en un seul trimestre aux actionnaires - tandis que les grandes entreprises bénéficiaient dans le même temps, sans contrepartie, de 7 milliards d’euros de cadeaux par l’intermédiaire du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE).
Non, quand on invoque à tour de bras la « raison » et le « réalisme » économiques, on ne peut objectivement faire preuve d’une telle cécité ! J’en conclus clairement, que la majorité au pouvoir fait en conscience le choix de la déraison économique au service d’une petite minorité qui a déjà tout… en comptant sur son bon vouloir pour redistribuer quelques richesses. Mais a-t-on déjà vu dans l’histoire du pays, un tel acte de foi produire des résultats positifs pour la majorité des Françaises et des Français ? Jamais.
Certes, ce type de renoncement à la raison économique et à l’intervention de l’Etat dans l’économie réelle n’est pas nouveau. Il traduit désormais la peur panique devant la puissance des forces financières de tous ceux qui arrivent aux responsabilités. Ainsi, non seulement la politique conduite est injuste, et augmente les difficultés qu’elle prétend combattre, mais elle sert aussi, en permanence, à masquer la vérité.
La vérité, c’est que le coût du capital est le principal boulet de la « compétitivité » française, le cancer de la raison économique. La vérité, c’est que la boulimie financière est un crime contre la société française, contre sa jeunesse, contre ses forces vives.