Transition énergétique maîtrisée ou verdissement libéral ?
La valse ministérielle de la fin août 2014 ferait presque oublier que la représentation nationale porte sur son agenda plusieurs textes d’une très grande importance pour l’avenir des Français. Et malheureusement, l’orientation libérale, amplifiée ces derniers jours par le Premier ministre et son nouveau Gouvernement, va bien entendu se traduire dans les faits partout où les marchés espèrent encore ouvrir des brèches sur le dos des services publics et du pouvoir d’achat de nos concitoyens. Parmi ces secteurs, celui de l’énergie revêt un caractère essentiel, tandis que 5 millions de ménages connaissent la précarité énergétique. Parmi eux, beaucoup de foyers en zone rurale, mal isolés ou avec des systèmes très énergivores, redoutent chaque hiver l’arrivée de factures auxquelles ils auront du mal à faire face.
Dans ces conditions, le débat qui doit s’engager avec l’examen du projet de loi relatif à la transition énergétique et la croissance verte ne peut se contenter d’analyses parcellaires, d’injonctions des marchés ou de postures politiciennes. Les problématiques relatives à notre avenir énergétique et à la lutte contre le réchauffement climatique sont des sujets complexes. Et je reste convaincu que nous avons besoin d’un véritable débat de fond avec nos concitoyens, qui ne peut se limiter aux entrées réductrices par lesquelles les médias voudraient traiter ce sujet. Je pense notamment au simple clivage entre soi-disant « pro-nucléaires » et « anti-nucléaires », ou entre ceux qui seraient les bienfaiteurs des énergies renouvelables décentralisées et d’autres qui seraient les irréductibles conservateurs du système énergétique français.
Commençons donc par dépasser ces approches réductrices ! Assurer une transition énergétique rapide, socialement et écologiquement pertinente, vers un système énergétique le plus décarboné possible au regard de l’impact de l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre, aux terribles conséquences humaines, ne peut laisser de côté des questions essentielles : celle de la maîtrise publique et sociale de la production, celle du transport et de la distribution d’énergie, comme celle des prix de l’énergie pour les ménages. De même, on ne peut se fixer une trajectoire – celle de baisser de 40 % nos émissions de GES d’ici 2030 par exemple - sans parler des moyens financiers, techniques et humains à dégager pour tenir cette trajectoire. Or, ce texte, s’il fixe des objectifs généraux ambitieux, omet de parler des moyens et de l’indispensable maîtrise publique du secteur de l’énergie, des différents cycles de production jusqu’aux usagers.
Si le projet de loi aborde opportunément les trois piliers indispensables d’une transition énergétique réussie - les économies d’énergie, l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables - il le fait sous le seul angle de la poursuite de la libéralisation du secteur, alors même que cette libéralisation conduit clairement à la déstructuration du réseau et à l’émergence de véritables rentes financières, sans lien avec les objectifs recherchés. Disons-le clairement, nous ne pouvons assurer une transition énergétique, sur la base des enjeux actuels, sans mettre un terme aux dérives libérales du secteur. Nous ne pouvons assurer de vrais gains environnementaux, économiques et sociaux pour l’ensemble de la société, sans planification écologique. Alors transition énergétique maîtrisée ou simple capitalisme vert ? Encore une fois, il faut choisir.