Reconnaissance de l'Etat de Palestine : exigeons un vote de l'Assemblée nationale
Paris, le 27 octobre 2014.
Monsieur Claude BARTOLONE
Président de l’Assemblée nationale
Hôtel de Lassay
Monsieur le Président de l’Assemblée nationale,
Le moment est venu pour la France, pour notre Parlement, de reconnaître l’Etat de Palestine.
La colonisation des territoires palestiniens occupés ne cesse de progresser, le blocus de Gaza perdure, le mur de la honte fracture la Cisjordanie, avec son lot d’arbitraire, de souffrances et d’humiliations.
Le moment est venu car ces graves reculs amenuisent chaque jour l’espoir d’une paix juste que les peuples israéliens et palestiniens se désespèrent d’obtenir. Ils rendent chaque jour plus incertaine la solution de deux Etats soutenue par l’ensemble de la communauté internationale : celle d’un Etat palestinien indépendant et libre vivant pacifiquement aux côtés d’un Etat israélien garanti dans sa sécurité.
L’offensive israélienne contre Gaza l’été dernier a marqué un nouvel épisode sanglant du conflit au Proche-Orient dont le bilan - 2147 civils palestiniens décédés dont 541 enfants, 66 soldats et 6 civils israéliens tués et près de 10 000 blessés - est une nouvelle illustration de cette pratique inique que représente la punition collective.
Quelques jours avant le début de cette offensive, au nom des députés Front de gauche, le député François Asensi était intervenu dans l’enceinte de l’hémicycle pour mettre en garde contre d’éventuelles représailles suite à l’assassinat des trois adolescents israéliens : «Parce que leur mort est injuste, elle ne doit pas conduire à d’autres injustices» affirmions-nous, à destination du gouvernement israélien mais également de notre diplomatie.
Nous rappelions également que la voie de la paix passait désormais, inéluctablement, par la reconnaissance d’un Etat palestinien vivant en paix avec son voisin israélien, dans les frontières de 1967, avec, pour capitale, Jérusalem-Est. Cette position juste, fondée sur le droit international, constitue à nos yeux la plus sûre garantie pour la sécurité d’Israël, en plus d’ouvrir des perspectives diplomatiques pour l’ensemble du Moyen-Orient.
Par la voix du ministre des Affaires étrangères, la France s’est dit prête à reconnaître l’Etat palestinien "le moment venu", sans conditionner cette reconnaissance à la reprise des négociations, aujourd'hui dans l’impasse et dont le bilan amer est d’avoir renforcé les extrémistes ennemis de la paix, dans les deux camps. Il s’agit d’une avancée majeure de notre diplomatie à laquelle nous sommes sensibles.
Précisément, le moment est venu de procéder à ce geste fort, si la France ne veut perdre de son crédit au Proche-Orient et sur la scène internationale.
Le 3 octobre dernier, le gouvernement suédois, acteur diplomatique essentiel, notamment au Proche-Orient, a déclaré la reconnaissance de la Palestine ; le 13 octobre, la Chambre des communes a voté dans le même sens, à une majorité écrasante. Prochainement, le Parlement espagnol sera amené à se prononcer. Dans le monde, 134 pays reconnaissent déjà l’Etat palestinien, la plupart depuis 1988, car le droit d’un peuple à disposer d’un Etat est au fondement de la charte des Nations unies. En Israël, 363 personnalités ont signé un appel en sa faveur.
La France ne peut rester en retrait. Or, elle donne l’impression de ne plus assumer son rôle historique de protection des droits de l’homme, de ne plus incarner son message universel en faveur de l’émancipation des peuples. Du reste, elle doit se montrer à la hauteur de sa responsabilité de membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU et de pilier de l’Union européenne.
Conscient de votre attachement à la revalorisation du rôle du Parlement, nous vous demandons de soumettre la reconnaissance de la Palestine au vote de l’Assemblée nationale, dans le cadre de vos prérogatives sur l’ordre du jour déterminé par notre assemblée.
Dès le 24 septembre 2012, le groupe des députés Front de gauche avait déposé une résolution invitant le Gouvernement français à reconnaître l’Etat palestinien. Nous vous proposons d’inscrire à notre ordre du jour cette proposition de résolution dans les plus brefs délais.
Cette initiative permettra au Parlement français de jouer pleinement son rôle en matière de politique étrangère et se mettra à la hauteur de l’initiative britannique.
Dans le cas contraire, nous vous indiquons que notre groupe parlementaire mettra à l’ordre du jour dans l’une de ses prochaines séances d’initiative parlementaire cette proposition de résolution pour la reconnaissance de l’Etat palestinien.
En 2012, suivant un fort mouvement populaire, la France a accompli un premier pas en soutenant l’entrée de la Palestine à l’ONU, à l’instar de la majorité des pays européens.
Nous ne pouvons désormais rester au milieu du gué. Conformément à son message d’humanisme, d’universalité, de liberté dans le concert des Nations, la France doit s’engager sans plus attendre dans la reconnaissance de l’Etat palestinien et jouer un rôle d’entrainement pour l’Union européenne.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président de l’Assemblée nationale, l’expression de nos sentiments les plus respectueux.
François ASENSI
Député de Seine-Saint-Denis
Vice-président des groupes d'amitié France-Palestine et France Israël
Membre de la commission des Affaires étrangères
André CHASSAIGNE
Député du Puy-de-Dôme
Président du groupe de la Gauche démocrate et républicaine
Alain BOCQUET
Député du Nord
Secrétaire de la commission des Affaires étrangères