Le vote de mars prochain
Les élections cantonales, désormais appelées « départementales », qui auront lieu en mars prochain, vont bouleverser notre démocratie locale. La taille et le découpage des nouveaux cantons, associés à la limitation annoncée des compétences départementales, ont pour objectif de reléguer le conseiller général au rayon des souvenirs de nos institutions républicaines dans la perspective de la suppression des conseils généraux en 2020.
Je prendrai l’exemple de la partie la plus rurale de la circonscription que je représente à l’Assemblée nationale, autour des petites villes d’Ambert et Courpière. 9 cantons ont servi de base à la constitution de 2 nouveaux cantons. De 9 conseillers généraux (et 9 remplaçants), la représentation populaire sera réduite à 4 (et 4 remplaçants), chaque nouveau canton élisant un binôme homme-femme. 7 communes vont ainsi perdre leur statut de chef-lieu de canton, qui entraînait une dotation financière de l’Etat supplémentaire et les services publics attachés à leur territoire : collège, gendarmerie, centre d’exploitation routière, maison de retraite, bureau de poste, parfois encore perception… Il est étonnant que les conséquences sur l’aménagement du territoire de ce véritable tsunami institutionnel ne soient pas davantage soulignées.
Cette évolution est aussi un coup dur porté à la démocratie de proximité.
Pour avoir été conseiller général pendant 25 ans, je sais quels sont les liens privilégiés que cette fonction tissait avec la population et les élus locaux. Cette proximité garantissait une remontée des besoins et la prise en compte des attentes des populations : des commissions cantonales d’aide sociale aux conseils d’administrations des collèges et maisons de retraite, de l’état des routes aux difficultés de déneigement, de l’animation du développement local aux liens entretenus avec les associations locales, c’est la parole populaire qui était écoutée pour être ensuite relayée dans l’assemblée départementale.
Cette amputation de la démocratie de proximité se conjuguera avec la baisse des capacités financières des départements, essentiellement due à la réduction des dotations de l’Etat aux collectivités territoriales (28 milliards cumulés en 3 ans !), dont les conséquences sur les budgets sont déjà palpables. Dans ce contexte financier, une prise en compte amoindrie des besoins facilitera la mise en œuvre de la politique d’austérité inscrite dans le pacte européen de stabilité concocté par le couple Merkel-Sarkozy, avalé en l’état par François Hollande en 2012. La réduction des budgets conduira notamment les départements à réduire leurs interventions en faveur des communes et associations. Elle limitera leur action à quelques compétences bien ciblées, pour l’essentiel les actions sociales, transformant les élus en simples gestionnaires des dégâts collatéraux d’une politique économique dévastatrice.
Aussi, en plein débat sur la réforme territoriale, ces élections auront une portée politique importante et pourront permettre de développer une autre vision de l’organisation territoriale et de la démocratie de proximité. Faisons en sorte que cette campagne électorale ouvre d’autres perspectives locales et nationales et fasse élire des conseillers départementaux porteurs d’une parole politique forte à même de défendre l’institution départementale dans l’intérêt de nos concitoyens.