Quand l’archéo-libéralisme réveille la gauche progressiste
Le débat qui s’est achevé à l’Assemblée nationale sur le « projet de loi Macron » a mis en évidence la dérive libérale du Gouvernement. Présenté comme un tournant, le texte confirme la ligne économique, suivie depuis le début du quinquennat de François Hollande, qui érige en dogme l’idée que l’on répondrait mieux aux besoins des populations en œuvrant à la concurrence et en faisant appel à l’entreprenariat privé. Ce n’est pas une révolution, mais une consécration. Ce texte, que le ministre de l’Économie n’a eu de cesse de défendre au nom de la « modernité », est en réalité hanté par la vieille doctrine néo-libérale, plus que jamais archaïque. On connait les résultats auxquels ont abouti les politiques de Thatcher, Blair ou Schröder, fondées sur un triptyque dévastateur pour les peuples: déréglementation tous azimuts, concurrence sauvage et régression sociale, pour plus de chômage et de précarité. Pourtant, dans le logiciel idéologique du ministre de l’Économie, celui qui n’est pas libéral est forcément « ringard » ou « démagogue ». Une logique binaire qui trahit par son dogmatisme l’abandon de toute perspective de transformation sociale.
La victoire du parti de gauche Syriza et le message ainsi adressé par le peuple grec aux tenants de l’austérité viennent ringardiser un peu plus cette posture. Les citoyens grecs ont rejeté les vieilles recettes imposées par la Troïka pour faire confiance à une gauche de la résistance et de l’espoir. En France, le débat sur le projet de loi a permis de préciser les contours d’une autre gauche, opposée à l’austérité, décidée à retrouver le chemin du progrès social et écologique, fière de l’héritage des luttes sociales qui ont permis, au fil du siècle dernier, de forger un modèle social qui est aujourd’hui le patrimoine commun de millions de Français.
Il ne s’agit pas seulement d’une question de principes et de valeurs. Alors que le projet de loi affichait l’ambition de relance de la croissance, nous pourrions multiplier les exemples de mesures qui ne créent pas d’activité, mais qui se contentent en réalité de transférer des services et activités du public vers le privé, sans la moindre utilité sociale ou économique. Pis, les mesures de facilitation des licenciements économiques et de casse du droit du travail desserviront l’activité économique et aggraveront encore la condition sociale des salariés. Véritable symbole de ce texte, la banalisation du travail le dimanche est symptomatique de la stratégie et de la philosophie du gouvernement, indignes d’un pouvoir de gauche.
Quant au débat parlementaire, il a eu le mérite de faire une nouvelle démonstration du fossé qui s’est creusé entre la majorité socialiste au pouvoir et les tenants d’une gauche progressiste. Certains socialistes n’ont pas masqué leur malaise à l’égard de ce texte de renoncement à notre modèle social. Des voix convergentes venues des différents bancs de la gauche ont exprimé le refus du parti pris libéral et conforté la parole des députés du Front de gauche. Rarement, en effet, nous aurons vu un texte qui privilégie de manière aussi cynique que systématique l’entreprise au détriment du salarié, la consommation au détriment de la vie familiale et du lien social, la compétitivité au détriment de l’environnement, des services publics et de l’égalité territoriale. Loin de nous décourager, la Loi Macron annonce un réveil des forces de gauche qui enverra l’archéo-libéralisme aux oubliettes de l’Histoire.