Regard sur les élections départementales
Nous sommes à moins de trois semaines des élections départementales des 22 et 29 mars. Mais une nouvelle fois, à l’approche de cette prochaine échéance électorale, le débat médiatique dominant tente par tous les moyens de détourner l’attention des Françaises et des Français du contenu politique de ces élections et de ses véritables enjeux. Enquêtes d’opinion à répétition, personnalisation permanente, promotion de Marine Le Pen et du Front national, absence de débat sur les propositions des candidats, focalisation sur les rapports de force entre quelques partis, omerta médiatique bien ciblée… Je rage de ce guidage médiatique omniprésent pour décrocher nos concitoyens de l’objet même de cette élection, à savoir les politiques départementales à conduire. Ces élections ont pourtant une portée politique importante. Elles peuvent permettre de développer une autre vision de l’organisation territoriale, de la démocratie de proximité, et, je dirais même, de l’avenir démocratique de notre pays.
Les candidates et candidats du Parti communiste et du Front de Gauche, qui ont cherché à construire dans l’immense majorité des départements et des nouveaux cantons, des rassemblements porteurs d’avenir à gauche, portent une façon singulière d’appréhender ce scrutin départemental. C’est l’exigence du parler vrai, du refus d’un double discours si dangereux pour la crédibilité politique. Ils ne cherchent pas à cacher qu’une des questions essentielles de ce scrutin est celle de l’avenir de nos départements, si utiles à notre vie quotidienne. Et par conséquent, ils n’occultent pas la question des moyens dont ils disposeront demain pour accomplir leur action au service de tous. Je le dis avec force : défendre son canton et ses habitants, c’est s’opposer sans ambigüité à ceux qui mettent en œuvre nationalement une politique désastreuse pour nos communes et nos territoires ruraux. C’est aller devant les électeurs en exprimant clairement le rejet des politiques d’austérité, des coupes budgétaires massives qui ne font qu’appauvrir toujours plus les habitants en les privant de services publics portés par les départements. Comment comprendre dès lors que beaucoup de candidats défendent le maintien de l’institution départementale, tout en s’accommodant de l’asphyxie financière dont ils feront l’objet par l’intermédiaire de choix nationaux dramatiques ? N’est-ce pas tromper le citoyen que de masquer cette réalité par des positionnements locaux de circonstance tout en étant les candidats de partis responsables de ces choix dévastateurs ?
Alors que le fossé se creuse entre les élus politiques et la population, nous ne dirons jamais assez qu’il faut sortir des artifices politiciens coupés des dures réalités de la vie de nos concitoyens. Aussi, quand on fait le choix national de tailler à coups de milliards dans les dotations de nos collectivités (- 28 milliards cumulés en 3 ans !), au premier rang desquelles nos départements, il semble pour le moins stupéfiant de venir défendre localement le développement du service public et l’action des conseils généraux. Car chacun sait que la réduction des budgets conduira inexorablement les départements à réduire leurs interventions en faveur des communes et associations. Elle limitera leur action à quelques compétences bien ciblées, pour l’essentiel les actions sociales, transformant les élus en simples gestionnaires des dégâts collatéraux d’une politique économique dévastatrice. Les conséquences sur les budgets sont d’ailleurs déjà bien palpables, avec le gel ou l’arrêt de certains soutiens. Comment donc, dans ce contexte, ne pas d’abord s’attacher à cerner la cohérence politique des candidates et candidats, en faisant le choix éclairé de ceux qui, de l’Europe à la France, jusqu’aux départements et aux communes, s’engagent en faveur de la sortie de l’austérité budgétaire et défendent l’exigence de nouveaux moyens financiers au service du lien social, du vivre-ensemble, du progrès social et écologique ? N’est-ce pas une des questions politiques centrales de ce scrutin de mars prochain ?
La deuxième singularité de nos candidates et candidats dans cette élection tient sans aucun doute à la proximité, à l’écoute et à une pratique politique collective. N’en doutons pas, la réforme territoriale, avec le redécoupage à la hache de nos cantons et leur élargissement sans précédent en milieu rural, imposée sans consultation démocratique, n’a pour seule ambition que d’affaiblir considérablement la proximité des futurs élus départementaux avec les habitants. Cerise sur la gâteau : la loi qui définit les compétences dévolues aux nouvelles assemblées départementales n'est toujours pas votée, laissant en suspens le devenir même des départements. Cette réforme étant couplée aux choix libéraux de la majorité depuis le début du quinquennat, qui poussent à l’exclusion d’une part croissante de la population dans la pauvreté et le chômage, tout est aujourd’hui en place pour alimenter le désenchantement et l’éloignement des citoyens de la chose publique. Ces choix conduisent malheureusement à valoriser une offre politique d’extrême-droite, surfant sur la haine de l’autre, le repli nationaliste, et une démagogie sécuritaire qui n’a d’autre effet que d’entretenir la cécité sur l’origine et les causes profondes des difficultés de chacun. A l’opposé, nos candidates et candidats font partout le choix de prendre de la hauteur dans la réflexion et l’analyse politique, en partant des souffrances du quotidien pour construire des réponses adaptées, du local jusqu’au national et au niveau européen. Ils font le choix de ne pas céder à la tentation de la résignation politique, en s’adressant aux consciences plutôt qu’à la colère sourde, à la capacité de compréhension et d’action de tous plutôt qu’à une fatalité sans perspective.
Et là-aussi, je crois que nous tentons de tenir dans cette campagne des élections départementales les deux bouts de l’engagement politique : en refusant cet éloignement de l’élu de la parole populaire imposé par la réforme territoriale, tout en faisant vivre des propositions alternatives sur le terrain économique, social et écologique. Pour avoir été conseiller général pendant 25 ans, je sais d’ailleurs quels sont les liens privilégiés que cette fonction tissait avec la population et les élus locaux. J’ai souvent l’occasion de le rappeler, cette proximité garantissait une remontée des besoins et la prise en compte des attentes des populations, en particulier dans la défense des services publics au plus près des habitants. C’est la parole populaire, confortée par les mobilisations locales, qui était écoutée pour être ensuite relayée dans l’assemblée départementale.
Le moment actuel est grave. Si grave qu’il ne peut se satisfaire de condamnations de façade sur les dangers de l’extrême-droite ou d’un retour de la droite. Nous avons besoin d’élus qui s’engagent à agir sur le cours des choses, de leur commune jusqu’au niveau national, et non pas à agir en gestionnaires-spectateurs d’une politique nationale qui contribue à défaire, dans les faits, notre modèle républicain, et à détruire progressivement les acquis des luttes sociales conduites depuis la Libération. La pire des choses serait de disposer d’une représentation départementale porteuse d’une simple approche institutionnelle, coupée des dures réalités de la vie de nos concitoyens. A ce titre, le premier des respects que l’on doit aux citoyens n’est-il pas de présenter des candidats vivant et agissant sur la circonscription électorale concernée ? N’est ce pas le seul moyen de disposer dans la durée d’élus de proximité, accessibles et qui s’engagent au service de la vie sur leur territoire ?
Le vote pour ces élections départementales doit donc aussi permettre d’initier un nouveau souffle démocratique en accordant les suffrages à celles et ceux qui sont concrètement les porteurs de leur engagement au quotidien, sur le terrain, au sein de leur commune, de leur association, de leur syndicat…