Accord européen relatif à la Grèce : intervention au nom des député-e-s Front de Gauche

Publié le par André Chassaigne

Intervention au nom des député-e-s Front de Gauche lors de la déclaration du Gouvernement sur l’accord européen relatif à la Grèce, le mercredi 15 juillet 2015.

 

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe Gauche démocrate et républicaine.

M. André Chassaigne. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, chers collègues, « le projet européen vient de subir un coup terrible, voire fatal », selon le prix Nobel d’économie Paul Krugman. Ces mots résument bien ce que nous pensons du contenu de l’accord de Bruxelles, sur lequel nous sommes appelés à nous prononcer cet après-midi, qui se clôt par le triptyque « soumission, humiliation, libéralisation ». Les efforts demandés à Athènes dépassent l’entendement. Et, écrit Paul Krugman dans les colonnes du New York Times, ils « recèlent un esprit de vengeance, la destruction totale de la souveraineté nationale et effacent tout espoir de soulagement ».

Il s’agit de faire payer au peuple grec d’avoir osé dire non à l’Europe de l’orthodoxie financière et à l’asphyxie de son pays. Cet accord n’a qu’un seul mérite, comme vous en avez convenu, monsieur le Premier ministre, celui d’éviter à la Grèce l’exclusion de la zone euro, conformément au vœu d’une très large majorité de la population grecque. Pour le reste, le programme qu’il prévoit est un florilège de mesures dictées par ces mêmes dogmes néolibéraux et « austéritaires » que nous combattons ici en France !

Ces mesures confortent l’idée selon laquelle la Grèce est un laboratoire où sont expérimentés des dispositifs ayant vocation à s’appliquer à tous les peuples européens. Notre ami Alexis Tsípras, le Premier ministre grec, a pourtant dû accepter l’accord, tout simplement parce que l’Allemagne, la BCE et le FMI ne lui ont pas laissé d’autre choix ! C’était l’accord ou la sortie de la Grèce de la zone euro, l’accord ou le refus d’octroyer un nouveau plan d’aide à la Grèce ! Outrepassant son rôle, la BCE a délibérément joué un rôle politique, asphyxiant l’économie grecque pour faire plier le gouvernement. Comment négocier avec « le couteau contre l’os et la corde au cou », selon les mots du poète grec Yanis Ristos ? Comment négocier dans ces conditions ?


Non seulement Alexis Tsípras n’a bénéficié d’aucune marge de négociation mais l’accord finalement conclu est en contradiction complète avec la volonté souveraine exprimée par le peuple grec lors du référendum organisé quelques jours auparavant. Dans ces conditions, nous affirmons que l’accord n’a pas été « librement consenti », notion fondamentale du droit international des traités, mais obtenu sous la contrainte, extorqué, arraché et imposé par des négociateurs européens en usant de méthodes déloyales comparables à un chantage !

Au début du XXe siècle, à l’issue de la Première guerre mondiale, le traité de Versailles, diktat imposé par les vainqueurs, a été vécu comme une humiliation par le peuple allemand. Ce sentiment a nourri la bête immonde du nazisme qui fut à l’origine de l’effondrement de l’Europe. En ce début de XXIe siècle, par une dramatique ironie de l’histoire, le peuple grec est humilié par la volonté du gouvernement allemand ! Le sens des responsabilités et le volontarisme du Premier ministre grec se sont heurtés à l’inflexibilité du gouvernement allemand, tenant d’une ligne « austéritaire » et ordo-libérale derrière laquelle les dirigeants européens ont fait bloc ! À l’aune des résultats, dans son soutien à Alexis Tsípras, le président Hollande a pour le moins manqué de fermeté pour marquer sa différence sur le fond !

Les États européens comme la France et l’Italie ont ici leur part de responsabilité. En validant les réformes engagées depuis 2011 dans la zone euro telles que le « Two-Pack », le « Six-Pack », le mécanisme européen de stabilité, le semestre européen et le pacte budgétaire, ils ont assuré la prééminence de cette logique folle. Doutant de sa capacité à infléchir la politique européenne, la France n’a pas joué le rôle qui pouvait et devait être le sien, quitte à précipiter la faillite du projet européen et trahir l’esprit des pères fondateurs de l’Europe qui rêvaient d’une union toujours plus étroite entre les peuples. L’alignement des sociaux-démocrates sur la droite déflationniste et ultralibérale à l’échelle de l’Europe est aussi incompréhensible que désastreux. Systématiquement et cyniquement, l’Europe et le FMI ont privilégié une approche punitive du gouvernement grec. L’épisode que nous traversons révèle la profondeur de la crise européenne, qui est bien moins économique et financière qu’idéologique et démocratique.


Il faut le dire : le dogmatisme n’est pas du côté de Tsípras, du gouvernement grec ou de Syriza, mais du côté de la Troïka et de l’Eurogroupe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Il n’est pas de notre côté, monsieur le Premier ministre, mais du vôtre ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains.) De fait, les actions prioritaires dont l’accord de Bruxelles dresse la liste reprennent presque mot pour mot le plan des créanciers massivement rejeté par les Grecs lors du référendum du 5 juillet. Il prévoit notamment une hausse immédiate de la TVA pesant sur la plupart des produits et services de 13 % à 23 %, la suppression avant la fin de l’année 2019 de l’allocation pour les petites retraites et la finalisation de toutes les procédures de privatisation en cours, en particulier des aéroports régionaux, des ports du Pirée et de Thessalonique et du réseau grec de transport d’électricité.

D’ailleurs, sans attendre, les vautours sont déjà là, ils ont déjà pris leur envol et il en est qui sont français ! Par ailleurs, le plan met en œuvre une véritable mise sous tutelle de la Grèce car l’accord prévoit que le Parlement devra abroger des lois déjà votées et que la Troïka aura un droit de regard sur les lois futures. Il comprend quelques mesures fiscales positives proposées par les Grecs comme la hausse de l’imposition des entreprises, l’extension de la taxe sur les produits de luxe ou la suppression des règles fiscales spéciales applicables au transport maritime.

Mais il exercera aussi un puissant effet récessif sur une économie déjà exsangue et les mesures qu’il prévoit étoufferont plus encore l’économie grecque.

Le plan alourdira encore la dette grecque, de sorte que le rééchelonnement pour l’heure simplement évoqué ne fera que lisser les effets de l’augmentation. La plupart des économistes, y compris libéraux, doutent d’ailleurs de la pertinence de ce prétendu plan d’aide et le jugent irréaliste. La Grèce illustre au fond la dramatique impasse dans laquelle mènent l’obsession voire le fanatisme « austéritaire » et le mépris de la souveraineté populaire, autrement dit le primat de l’Europe des financiers sur l’Europe démocratique.


Les politiques d’austérité budgétaire, qui n’ont aucun sens et empêchent de renouer avec la croissance, sont toujours imposées coûte que coûte aux Grecs comme aux autres peuples, conformément à l’idée absurde que la réduction de la dette et la consolidation budgétaire doivent avoir la priorité sur la croissance économique. Ces doctrines et dogmes hérités de la révolution conservatrice de Reagan et Thatcher précipitent les Européens dans un abîme moral et social ! Nous ne pouvons nous résoudre à une telle faillite qui ouvre la voie aux pires dérives nationalistes !

Si nous voulons sauver le projet européen et lui rendre sa crédibilité, il est impératif que nous prenions collectivement la mesure de ce qui se joue sous nos yeux. Si la zone euro ne redevient pas un projet politique commun mais demeure un espace de domination des forts sur les faibles ne comptant pour rien, alors l’Europe est morte ! Si la zone euro ne redevient pas un espace de coopération et de solidarité mais demeure le terrain de jeu des marchés financiers et de leurs fondés de pouvoir, alors l’Europe est morte ! En luttant comme ils l’ont fait depuis des mois, les Grecs nous ont donné une leçon de courage et de lucidité.

Ce que le monde entier a pu constater au cours des dernières semaines et des derniers mois, ce dont les peuples ont été les témoins, c’est l’inflexibilité d’institutions aveuglées par le dogmatisme à laquelle la Grèce a opposé une formidable capacité de résistance et une capacité à ébranler les consciences européennes afin de redonner espoir dans les solutions alternatives. La victoire remportée ce week-end par les créanciers et par les dirigeants européens, peu glorieuse car remportée sur un peuple déjà à genoux, ne peut rien contre l’espérance nouvelle qui point de toute part en Europe ! Rien ne sera plus comme avant ! Alexis Tsípras a confirmé à l’issue des négociations sa volonté de continuer « à lutter afin de pouvoir renouer avec la croissance et regagner [une] souveraineté perdue », ajoutant : « Nous avons gagné la souveraineté populaire, le message de la démocratie a été transmis en Europe et dans le monde entier, c’était le plus important ».


C’était, en effet, le plus important. Les Grecs ont convaincu nombre d’Européens que l’Europe peut être une idée neuve. Solidaires du peuple grec et de son gouvernement, nous ne pouvons cautionner un projet d’accord obtenu par la contrainte, le pistolet sur la tempe, ni l’humiliation infligée à un peuple souverain. On nous permettra au contraire de rendre solennellement hommage au peuple grec, à son courage et à sa dignité, tandis que l’Europe des technocrates et des financiers lui impose un accord inique, injuste et humiliant. En gardant chevillée au corps l’exigence d’une réorientation profonde du projet européen et en réaffirmant le droit inaliénable des peuples à disposer d’eux-mêmes, nous voterons contre le projet d’accord, contre le coup d’État institutionnel qui ne vise qu’à mettre un peuple à genoux !

Face à l’échec de la construction européenne, ce que nous voulons par-dessus tout, c’est ouvrir de nouvelles perspectives pour l’Europe, mais rien ne peut être fait sans les peuples !


Je propose, au nom des députés du Front de gauche, une grande consultation populaire sur le projet européen. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Faisons renaître l’espoir, « cette maladie rare et incurable », comme l’écrivait le grand poète palestinien Mahmoud Darwich, cet espoir que nous sommes si fiers de porter aujourd’hui ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Intervention du 8 juillet 2015 au nom des député-e-s du Front de Gauche

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Accord européen relatif à la Grèce : intervention au nom des député-e-s Front de Gauche
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M
Très bon discours mais maintenant qu'est ce qu'on fait ? et surtout que doit faire A TSIPRAS et tous les éventuels futurs dirigeants de notre gauche que j'appelle" La Gauche" puisqu'elle est désormais la seule<br /> le PS s' étant exclu de lui même par sa politique libérale . <br /> Des réponses du PGE doivent être apportés rapidement aux peuples de gauche européen, l'extrême droite pointant son nez partout en Europe.
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K
intervention lucide , brillante de notre camarade
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K
Intervention brillante de notre camarade
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C
M. Chassaigne, je suis ravi de vous entendre tenir de tels propos. Il ne s'agit effectivement pas de refuser l'idée d'une fédération européenne, mais plutôt d'accepter le fait que la construction actuelle soit un échec, voire, pire, un danger pour l'Europe, la vraie, celle des peuples libres et épanouis.<br /> Il y a de cela presque 3 ans, alors que j'étais en école de journalisme à Paris, j'avais contacté Julien Brugerolle pour vous proposer un débat face à Etienne Chouard, qui, à l'époque, avait encore à peu près bonne presse. Fort de la victoire qu'on lui prête lors du référendum de 2005, celui-ci restait encore une figure crédible et raisonnée de l'anti-européisme radical français.<br /> Au final, pour des raisons médiatiques, je suppose que vous avez eu raison de refuser. Mais le sujet du débat était déjà celui-ci : "L'UE doit-elle être réformée de l'intérieur?". Et je pense que l'effacement de la Gauche française ces dernières années tient beaucoup au fait qu'elle ne s'est pas assez posé cette question, toujours bercée par l'illusion d'une collaboration avec la Commission Européenne. Mais, M. Chassaigne, j'espère que vous le réalisez maintenant - ce, malgré les difficultés à venir que cela implique : comment collaborer démocratiquement avec un instance dénuée de légitimité, dirigée aujourd'hui par un magnat de l'évasion fiscale? Pire encore: aujourd'hui, une telle institution est "acceptée" par simple manque de médiatisation, mais comment voulez vous que les peuples européens veuillent d'un tel gouvernement? <br /> L'Union actuelle n'a pas d'avenir, la crise grecque vient de le révéler au monde entier et l'heure est grave pour la Gauche. Si l'humiliation de Tsipras vous a permis cette prise de conscience, j'en suis heureux, les grecs ne souffrent donc pas en vain. En revanche, force est de le constater, votre éveil tardif a fait des eurosceptiques français (dont des intellectuels tels Jacques Sapir, Jean-Claude Michéa, Philippe Murer, Michel Onfray, Emmanuel Todd, etc.) la chasse gardée de l'extrême droite. <br /> L'heure est au zèle M.Chassaigne, il faut réorganiser la Gauche et participer à l'élaboration d'une vraie alternative européenne, en rupture avec le système en place. Sans quoi, ce que le peuple ne peut combattre politiquement, il le combattra comme il le peut, par la violence.
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F
remarquable monsieur , je partage totalement votre point de vue, et j'estime Chassaigne, on ne peut plus repeter inlassablement "il faut changer cette europe", cette europe là est mortifaire et criminelle. oui l'heure est grave et n'est plus au refrain. Je serais a la fete de l'huma pour les débats , soyons y nombreux , sans consensus a n'importe quel prix, sans ritournelle . beau mois d'aout a vous, prenons des forces , il en faudra , cordialement