Loi NOTRe : les transports scolaires « rendus » aux départements
Dans la nuit du mercredi 30 juin, l’Assemblée nationale a rétabli les dispositions votées au Sénat permettant aux Conseils départementaux de continuer à gérer les transports scolaires.
Je suis intervenu au cours du débat pour souligner la spécificité de l’exercice de cette compétence… bien évidemment avec le soutien de mon ami Jean Lasssalle :
« Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne. Je voudrais tout simplement faire part d’une expérience personnelle. J’ai été pendant vingt et un ans principal d’un petit collège rural et en même temps conseiller général. Je vous assure que chaque année, organiser le transport scolaire était un travail qui se faisait dans la dentelle.
M. Jean Lassalle. Ah oui !
M. André Chassaigne. C’était un travail qui se faisait en amont, avec les services du conseil général – et avec la carte d’état-major ! En effet, il fallait modifier tous les itinéraires en fonction des élèves qui étaient scolarisés. L’ancien président du conseil général de l’Allier avait une très belle formule : il disait que c’était comme une montre suisse !
Contrairement à ce qui a été dit, le transport scolaire est lié à des choix pédagogiques. Quand dans un département, comme c’est le cas dans le Puy-de-Dôme, on met en place un réseau rural d’éducation, l’adaptation du transport scolaire en tiendra compte. Quand on a la volonté politique de maintenir un internat dans un collège rural, cela exige aussi que le transport scolaire soit adapté en fonction de ce choix.
Je terminerai sur le fait que le transport scolaire puisse être utilisé par n’importe qui. Oui, dans le département du Puy-de-Dôme, certains élèves de lycée vont prendre non pas un TER, mais un train d’équilibre du territoire, pour aller de Clermont-Ferrand à Riom ou à Vichy. Cela ne pose aucun problème que ce ne soit pas spécifiquement un transport scolaire. Le maintien de cette compétence au département me semble une évidence. Cela ne remet pas en question l’utilisation d’autres moyens de transport. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)
M. Jean Lassalle. Très bien ! ».
Depuis 1982, les conseils généraux ont en effet développé un savoir-faire ainsi qu’une expertise qui leur ont permis de mettre en œuvre un service de qualité qui satisfait pleinement les usagers. Nous savons bien que ces transports nécessitent une gestion de proximité pour être mis en œuvre efficacement : relation directe avec les familles, très sensibles à la sécurité du parcours de leur enfant ; maillage très fin du service avec une évolution permanente des points d’arrêts et parcours en fonction des besoins. D’autant plus qu’une vingtaine de départements en ont fait un service gratuit, certains l’assurant même en régie directe.
Comme le projet de loi initial du gouvernement, le texte issu de la commission conférait cette compétence aux nouvelles régions, donc Auvergne-Rhône-Alpes en ce qui nous concerne. Quel remarquable gage de proximité !
Sur 49 présents en séance, 26 députés de différentes sensibilités ont voté pour le maintien de cette compétence aux Conseils départementaux. Déterminés à renforcer le pouvoir des régions, verts et socialistes ont voté contre, à l’exception de Colette Anglade et Germinal Peiro (députés de la Dordogne) et Delphine Batho (députée des Deux-Sèvres). Sur les 3 députés auvergnats présents, j’ai cependant été le seul à voter cette mesure qui avait aussi le soutien de Gérard Charasse, député de l’Allier, cosignataire de l’amendement adopté.
Mais nous ne sommes pas à l’abri d’un nouveau vote à la demande du gouvernement, habitué des coups de force. Il peut en effet faire revoter en fin de débat des dispositions qui ne lui conviennent pas ou passer en force en CMP (commission mixte paritaire sénat-assemblée nationale). Le 49-3 n’est en effet pas sa seule arme antidémocratique !
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Ajout du 4 juillet 2015 :
Bingo !
Ce que je craignais est arrivé : dans la nuit de jeudi 2 juillet au vendredi 3 juillet, en fin d'examen de la loi NOTRE, le gouvernement a fait procéder à un nouveau vote pour que les transports scolaires soient transférés aux régions.
Ce rattrapage sur le fil est une nouvelle fois l'illustration de la dérive démocratique du gouvernement qui utilise tous les moyens pour neutraliser tout vote contraire à sa volonté.
La méthode devient un art avec plusieurs recettes possibles : en force avec le 49.3, comme pour la loi Macron ; ou dans la quiétude nocturne, en faisant revoter après avoir vérifier les présences dans l'hémicycle.