Aider les réfugiés : une question de responsabilité et de solidarité - Tribune publiée sur Mediapart
Je reproduis ici, la tribune qui a été publiée ce 16 septembre 2015 sur Mediapart.
Depuis le début de l’année, plus de 365 000 réfugiés ont tenté de rejoindre l’Europe, et ce au péril de leur vie. Nous vivons l’une des plus grandes catastrophes humanitaires de l’Après-Guerre. La crise actuelle fait écho à des pages sombres de notre propre histoire et des peuples européens, dans lesquelles des populations civiles ont été forcées et contraintes de prendre le chemin de l’exode pour fuir la guerre et l’horreur. Aujourd’hui, le théâtre de cette tragédie se joue essentiellement en Méditerranée, devenue un « cimetière maritime » aux rivages jonchés de corps inertes rejetés par la mer, dont une majorité d’enfants désormais symbolisés par l’image du petit Aylan. Fuyant la mort, la terreur djihadiste et la misère extrême, ces nouveaux damnés de la terre sont en quête de refuge, d’un espace de paix et de sécurité, d’un horizon et d’un nouveau champ des possibles…
Face à cette tragédie humaine, des obligations juridiques pèsent sur les Etats, mais l’enjeu est politique et moral. Tendre la main, accueillir les réfugiés et leur reconnaître le droit d’asile sont autant de gestes que commandent les valeurs humanistes et le sens des responsabilités.
La dimension morale est indépassable. Le choix de ces réfugiés nous interroge sur nous-mêmes, sur notre pacte républicain comme sur le projet européen. L’un comme l’autre sont plus que jamais menacés par les tentations xénophobes, le repli identitaire et le rejet de l’Autre du fait de son origine ou de sa religion. Les murs de barbelés se multiplient à travers une Europe où les marchandises circulent librement, mais pas les hommes. L’exception allemande ne saurait masquer la tendance de fond, celle d’une peur, d’une obsession : se prémunir d’une menace, voire d’« invasions barbares », quand bien même il s’agit de familles poussées par la force du désespoir.
Face à ces passions malheureuses et dangereuses, la raison et la solidarité doivent l’emporter pour le « pays des droits de l’homme » comme pour l’Union européenne, lauréate du prix Nobel de la paix en 2012. Après avoir observé un silence coupable et une lâche passivité, la France et l’Union tentent enfin de réagir. Mais les actes sont loin d’être à la hauteur. Les Européens demeurent prisonniers d’une logique comptable qui amène, en particulier Français et Britanniques, à se satisfaire d’un geste a minima.
La crise migratoire est exceptionnelle, structurelle et s’inscrit dans un temps long. Les conditions d’accueil des réfugiés restent parfois indignes. Les Etats comme l’Europe doivent garantir une effectivité du droit d’asile des réfugiés, en prenant garde à la fois aux dérives bureaucratiques et aux pratiques discriminantes, infamantes, tendant à consacrer un droit d’asile à géométrie variable. Ce type de discours n’est pas propre aux responsables hongrois ou slovaques : des élus de la république, des maires de France défendent une conception sélective de l’asile sur une base confessionnelle. Les musulmans ne seraient pas dignes de solidarité et leur humanité est ainsi mise en cause.
L’accueil des réfugiés n’est pas une exigence d’ordre exclusivement morale : c’est une question de responsabilité politique. Une responsabilité internationale. Il suffit ici de rappeler que le chaos qui règne en Libye, en Irak et en Syrie est en grande partie la conséquence d’interventions militaires occidentales auxquelles les forces du Front de gauche s’étaient toujours opposées. Ces interventions ont permis aux forces djihadistes de prospérer et aux organisations criminelles d’exploiter la misère humaine. Il faut désormais assumer les conséquences des passions guerrières des Bush, Blair, Cameron et autre Sarkozy. Outre-atlantique, les Etats-Unis se terrent dans un silence coupable. Si Barack Obama vient de se déclarer en faveur de l’accueil de 10 000 réfugiés syriens en 2016, cette annonce n’est ni digne d’un prix Nobel de la Paix, ni à la hauteur de la responsabilité américaine dans le drame irako-syrien. Enfin, dans le monde arabo-musulman, trop de régimes fuient aussi leur responsabilité et obligation de solidarité. Alors que des centaines de milliers de réfugiés syriens ont été accueillis dans des conditions difficiles au Liban et en Jordanie - avec le risque d’une déstabilisation de ces pays fragiles si l’on ne prend pas garde de les aider également –, les riches monarchies du Golfe n’ont déployé aucune politique d’accueil, leurs frontières restant hermétiquement fermées. L’Arabie saoudite, le Qatar et autres pétro-monarchies refusent d’assumer les implications humanitaires de guerres dont elles sont parties prenantes.
La tragédie qui se déroule en Méditerranée est une tragédie internationale dont la solution à court et long terme nécessite une mobilisation de la communauté internationale, incluant la Russie et l’Iran, et dont les négociations doivent être placées sous égide de l’ONU, seul cadre multilatéral de décision et d’action légitime et efficace. C’est dans ce sens que les députés du Front de gauche continueront d’œuvrer au nom des principes de responsabilité et de solidarité.
André CHASSAIGNE
Porte-Parole des députés du Front de gauche
Président du groupe de la Gauche Démocrate et Républicaine