La fête que je ne ferai pas…
La fête de l'Huma est une belle fête. 2 à 3 jours de vrai bonheur pour tous ceux qui ont la chance de pouvoir s'y rendre malgré les difficultés du quotidien. Je pense en particulier aux contraintes financières qui concernent beaucoup de communistes et habitués de notre fête aux revenus modestes. Mon métier d'enseignant, puis de chef d'établissement, a fait que cette barrière de l’argent m'a toujours épargné. Mes responsabilités électives ont ensuite fait de ce week-end un agréable « passage obligé » : chaque année, débats, rencontres, initiatives multiples et moments de convivialité occupent intensément mes 3 jours de fête. Un marathon minutieusement préparé en amont, minuté même pour satisfaire le maximum de demandes. Les sollicitations sont en effet nombreuses et entraînent des refus malgré toute ma bonne volonté. C'est ainsi que j'ai bien évidemment préparé l'édition 2015, comme toutes les précédentes.
Malheureusement, pour reprendre Jules Romains, « la santé est un état précaire qui ne présage rien de bon ». La solide bête auvergnate que je suis, pourtant héritière des scieurs de long du Livradois au dos d'acier, est clouée à la maison. « Lombalgie aiguë » a décrétée le médecin. Résultat prévisible de mon obstination, malgré les premières douleurs, à me rendre à Clermont-Ferrand, dimanche dernier, pour notre vente de fruits et légumes en compagnie de notre tête de liste régionale, Cécile Cukierman. 120 km avec le dos déjà « en compote », ça se paye : comme disaient nos anciens « quand on sème des épines, on ne va pas sans sabots ». Certes, rien de très grave. Mais c'est avec la rage au cœur que je dois pourtant renoncer à la fête et faire faux bond (difficilement vu mon état) à tous ceux qui comptaient sur ma présence.
Je pense en particulier aux associations amies de Cuba et aux camarades cubains que je devais rencontrer, aux Auvergnats du stand des "3 bougnats", aux collègues de l’Association Nationale des Elus Communistes et Républicains, aux camarades de Rhône-Alpes, du Tarn-et-Garonne, du Val d’Oise, de l'aéronautique, aux copains avec qui je devais me livrer à quelques agapes.
Sans oublier les nombreux amis des différentes fédés et de Facebook, que je croise en nombre dans les allées de la fête. Brefs moments de partage, sourires, bises ou poignées de main, mais aussi des messages de souffrance et d’exaspération, l’expression d’une colère grandissante, et de nombreux témoignages de luttes. Des mots échangés qui donnent du sens à nos combats et sont une boussole pour nos choix politiques. Des paroles dont je m’empare comme d'une boîte à outils pour en faire un usage dans l’exercice de mon mandat. Quelquefois aussi, des discussions rudes sur mes prises de position et celles des député(e)s du Front de gauche, durant lesquelles je dois assumer ma responsabilité de Président de groupe. Mais ce qui me marque le plus chaque année dans la fête, ce sont ces camarades de tous âges, dévoués à notre cause, pétris d’humanité, à l'image du grand poète turc Nazim Hikmet : « Je suis communiste / Je suis amour des pieds à la tête ».
Je comptais aussi rencontrer Manu Chao pour nous rappeler quelques souvenirs communs remontant à la venue, en 1991, de La Mano Negra au Festival emblématique « St-Amant-Rock-ça-vibre ». J'étais alors le maire de notre petit village de 500 habitants, et Manu m'avait fait slamer devant une foule énorme de près de 15 000 spectateurs. Le lendemain matin, je paniquais à la vision d'un bourg aux conteneurs débordants et aux rues jonchées de milliers de canettes de bière. Par un éclair de génie, j'avais alors sollicité Manu, buvant tranquillement son café à la terrasse du bistrot, pour m'aider dans cette tâche titanesque. Tel le joueur de flûte, il avait entraîné avec nous, derrière le camion-benne, des dizaines de festivaliers pour nettoyer notre village gaulois. « Si je me marie, ce sera toi qui scellera mon union » m'avait-il dit en rigolant. Je ne sais pas si la promesse vaut toujours, mais mon mandat de conseiller municipal étant sans doute le dernier, je voulais lui dire qu'il devait faire vite, si ce n'est pas encore fait, comme la rumeur le dit.
Quant à la traditionnelle montée du dimanche après-midi des membres du Conseil national sur la grande scène, j'avoue que l'exercice me manquera peu. Je conçois que la tradition a valeur de symbole, elle n'en est pas moins désuète, même si elle donne une indispensable force collective au discours du Secrétaire national du Parti ou du Directeur de l'Huma. Quoi qu’il en soit, j’attends l'intervention de Pierre avec impatience. Elle prendra cette année une dimension encore plus grande au regard de la gravité des questions qui agitent l'actualité et de l'enjeu des élections régionales. Je l'écouterai de ma campagne, celle de l'écrivain ambertois Henri Pourrat, « dans ces monts où l'air a un arôme de sauge, et où les heures comptées d'une antique horloge sont heures de liberté ».
Pour conclure, bonne fête à tous. Je vous envie ! Et à l'année prochaine...si mon dos le veut bien.