L’Humain d’abord : notre boussole !
« L’Humain d’abord », la phrase fait quelquefois sourire. Elle est parfois même objet de moquerie. Dans ces jours d’interrogations et de douleurs partagées, nous mesurons peut-être un peu mieux pourquoi ces mots nous sont si chers. Et combien il nous appartient de protéger les valeurs auxquelles ils se rattachent.
D’abord parce que le terrorisme aveugle a tué sans faire de distinction d’origine, de pensée ou de religion. C’est à l’humanité toute entière qu’il s’en est pris. Les fanatiques ont frappé des femmes et des hommes qui étaient simplement sortis goûter au bonheur de vivre. Le visage des victimes, c’est non seulement le visage de la France, mais aussi celui de l’humanité dans sa diversité et sa richesse. Ils ont voulu abattre ce qui fait la République, ses valeurs, son histoire, ses lumières, cette formidable capacité d’assurer le vivre ensemble que représente si justement notre belle devise de « l’Humain d’abord ».
Depuis quelques jours, chacun d’entre nous est ébranlé par cette situation inédite d’une extrême gravité. La barbarie des actes a appelé des réponses d’urgence. Avec les députés du Front de gauche, je les ai soutenues afin de protéger prioritairement la population des menaces auxquelles le pays tout entier est confronté.
Ainsi, en votant la prolongation de l’Etat d’urgence, nous avons pris en compte le caractère extrêmement grave de la situation avec toujours en tête que ce type d’attentats extrêmement meurtriers pouvait se reproduire. Sans penser qu’elles pouvaient tout régler, nous avons jugé que des mesures exceptionnelles étaient justifiées parce qu'il s'agissait de mettre tout en œuvre pour arrêter les meurtriers, mais aussi démanteler les réseaux. Nous avons abordé ce débat avec la volonté, chevillée au corps, d’offrir la meilleure des sécurités à nos concitoyens, sans mettre en péril les libertés auxquelles ils sont, et nous sommes, tant attachés.
Bien sûr, nous avons tout à fait conscience que, même dans un cadre légal, l'état d'urgence restreint inévitablement certaines libertés. Mais, en l’occurrence, nous avons considéré que les garde-fous étaient présents dans ce projet de loi, notamment par sa limitation dans le temps (trois mois maximum) et des garanties juridictionnelles, avec des voies de recours devant le juge administratif.
Etre attentif à tout ce qui touche aux libertés, c'est dans notre ADN. Apporter notre soutien à la prorogation de l’état d’urgence, ce n'est pas quelque chose que l'on fait spontanément. Ce soutien a été décidé collectivement et à l’unanimité par l’ensemble des parlementaires du Front de gauche, députés et sénateurs. Il a exigé de prendre en compte l’importance des enjeux et il a fallu du courage politique pour maintenir un vote positif jusqu’au bout. Si nous n'avons pas considéré que les dispositions retenues étaient des atteintes démesurées aux libertés, c’est parce qu’elles sont limitées dans le temps, circonscrites dans un périmètre précis et contrôlées par le Parlement.
Cette mission de contrôle, les députés du Front de gauche seront en première ligne pour l’exercer. Mais nous appelons aussi à une vigilance citoyenne pour qu'il y ait des lanceurs d'alertes. Il faut que nous puissions être saisis si des citoyens constatent des abus. Nous ne devons pas en rester aux seuls comptes rendus que le Ministre de l'Intérieur soumettra chaque semaine aux commissions concernées de l’Assemblée nationale et du Sénat.
Des risques de dérapage existent en effet dans la définition même de ceux qui doivent être assignés à résidence, ainsi que dans la multiplication des perquisitions, effectuées parfois dans la démesure et la violence. Il en est de même pour l’exercice du droit syndical qui, je l’espère, ne sera pas entravé par quelques décisions intempestives de préfets faisant des excès de zèle. C'est pour cela que nous sommes si attachés à un contrôle strict et n'accordons aucun blanc-seing au gouvernement.
Sur les risques d’atteinte aux libertés, inhérents à toute mesure d’exception, nous avons pris connaissance bien évidemment des appréciations d’associations de défense des droits de l’homme et d’organisations syndicales. Elles sont dans leur rôle et font fort justement part de leurs inquiétudes, notamment sur les libertés fondamentales. Mais ces prises de positions portaient davantage sur la révision constitutionnelle que sur la prorogation de l'état d'urgence. Et nous l’avons dit et redit, ce que nous avons voté sur l'état d'urgence n'anticipe en aucun cas un vote similaire sur la révision constitutionnelle.
Quant au choix de chaque parlementaire, il est respectable au regard du contenu du texte gouvernemental, de la procédure accélérée et du débat public sur les implications de la prorogation de l’état d’urgence. J’ajouterai dans le même sens que la libre-appréciation de chaque citoyen sur les textes gouvernementaux soumis à la représentation nationale est un droit absolu. Je considère d’ailleurs que l’amélioration des conditions d’exercice d’une citoyenneté active est un chantier prioritaire pour refonder en profondeur notre modèle républicain à bout de souffle. Je suis donc toujours extrêmement sensible aux critiques et propositions qui naissent dans la continuité de l’action des élus. Je m’inquiète d’ailleurs très souvent de la faiblesse des remontées qui accompagnent des débats et des votes tout à fait déterminants pour l’avenir du pays, comme ce fut trop souvent le cas depuis le début de cette mandature. Je citerai pour exemple l’enjeu primordial du pacte de stabilité, les débats sur la transposition de l’accord national interprofessionnel, sur la loi Macron ou sur les différents projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale.
Aussi, devant les réactions parfois violentes et souvent disproportionnées de camarades et citoyens considérant que notre vote était « une honte », « une trahison », j’ai considéré qu’elles étaient, pour la plupart, le résultat d’une sous-estimation de la gravité de la situation et d’une méconnaissance du texte que nous avions voté. Je suis moins indulgent à l’encontre de ceux qui ont, pour des raisons diverses, touché à cette occasion au degré zéro de la politique. Ainsi, pour n’en citer qu’un, cet ancien porte-parole des députés communistes comparant notre vote… aux pleins pouvoirs accordés à Pétain !
D’autant plus que nous avons dit, et je le rappelle, que l'état d'urgence n’est qu’une réponse partielle à une situation qui dépasse nos frontières et ne se limite pas au seul sécuritaire. D’autres urgences existent, notamment assécher les ressources de Daech et prendre pour cela, en France comme à l'international, les mesures nécessaires. Je pense en particulier aux liens que la France entretient avec les pétromonarchies qui sont le fourrier du terrorisme fanatique. Il faut également que l'intervention en Syrie soit désormais conduite sous l'égide de l'ONU dans le cadre d'une coalition internationale qui soit la plus large possible. Enfin, et c’est au cœur de nos combats parlementaires, la priorité est aussi d’apporter dans notre politique nationale des réponses dans le domaine de l’éducation, de l’emploi et de tout ce qui touche au vivre ensemble. Les seules réponses sécuritaires ne peuvent apporter des solutions durables. En aucun cas, il nous faut faire l’impasse sur l’analyse des causes de la situation actuelle et des politiques à mettre en œuvre pour y remédier.
L'exigence impérative de sécurité publique ne doit pas nous empêcher d’identifier les responsabilités et poser la question du monde dans lequel nous vivons. L'idéologie fanatique et sa violence extrême sont le produit d'une société qui abandonne toute une partie de ses territoires et de sa population, créant discriminations et inégalités. C'est sur ce terreau que se développent la haine et la folie de jeunes en perdition, sans horizon et sans espérance, qui deviennent les proies des prophètes d'une nouvelle peste brune. Faire cette analyse n'est pas chercher des excuses aux tueurs de Daech, mais poser tout simplement l'impérieuse question de la société à construire pour que chacun retrouve sa dignité et une place dans un monde de partage.
Protéger la République, c’est aussi protéger la démocratie dans toutes ses dimensions. Un des premiers objectifs des actions terroristes, en semant la terreur et l’effroi, c’est de fracturer la société pour la déstabiliser politiquement. Aussi est-il important de poursuivre le débat politique hors de tout anathème, en nous adressant aux consciences. Soyons attentifs à ne pas affaiblir notre argumentation par des réactions épidermiques et des jugements à l’emporte-pièce.
Je le dis avec gravité : nous ne devons pas céder.
Ne pas céder, c’est d’abord, à mon sens, commencer par démontrer la force de l’engagement des citoyens à travers le libre exercice de la démocratie. Démontrer à ceux qui ont voulu terroriser la Nation que le pays continue de vivre et de faire des choix, de la mobilisation citoyenne jusqu’aux urnes.
Ne pas céder, c’est aussi, à mon sens, continuer de porter les valeurs et les propositions qui sont celles de « l’Humain d’abord », avec conviction et cohérence, face aux enjeux que pose la situation à tous les niveaux, du local à l’international.
Et c’est avec cette volonté de ne pas céder que nous portons sans discontinuer nos engagements en faveur de ceux qui sont le plus en difficultés, pour des politiques publiques que nous voulons « d’abord humaines » et qui permettent d’améliorer réellement la vie quotidienne.
Pour cela, il nous faut sortir d’une austérité qui nous prive peu à peu des moyens de répondre aux besoins les plus fondamentaux et les plus urgents. L’éducation, la culture, les services publics doivent retrouver pleinement leur rôle de garant de l’égalité entre les citoyens et de terreau du vivre ensemble.
La meilleure preuve en est la réactivité, l’abnégation et le courage des forces de sécurité, de secours, des personnels de santé, des agents territoriaux et du service public dès les premières minutes qui ont suivi ces terribles attentats. Indispensables au quotidien, ils le sont davantage encore dans les moments les plus difficiles.
Aussi, je n’hésite pas à le redire en ces derniers jours de campagne des élections régionales. Au sein des futures régions, nous aurons besoin d’élus qui connaissent bien la vie des gens. Des élus qui gardent toujours à l’esprit l’intérêt général. Des élus dont le projet a pour sens l’égalité, la solidarité, la vie… et « l’Humain d’abord » qui est plus que jamais notre boussole.