Projet de loi Valls-El Khomri : la mobilisation citoyenne peut avoir raison de la déraison

Publié le par André Chassaigne

 La nouvelle version du projet de loi Valls-El Khomri ne saurait faire illusion. Il scelle la rupture entre les libéraux au pouvoir et la gauche progressiste. Cette consécration textuelle de recettes ringardes de l’idéologie conservatrice des années 80 vient ponctuer un quinquennat marqué par le sceau du renoncement aux principes et valeurs de la gauche et de la trahison des engagements de la campagne présidentielle. Nous n’assistons pas à un tournant, mais à la conclusion d’un long processus émaillé de décisions qui ont placé le pouvoir sur la voie d’un irrémédiable dévoiement. Avec l’inique projet de loi Valls-El Khomri, le divorce est définitivement consommé, le masque est tombé. La politique économique et sociale du pouvoir actuel et sa conception du marché du travail sont bels et bien inspirées par les vieilles lunes du néolibéralisme patronal et technocratique.

 Le dévoiement de ce pouvoir rétrograde s’est bâti sur des fondements idéologiques et textuels qui resteront à jamais associés à ce quinquennat. Il y eut d’abord la ratification du « pacte austéritaire » négocié par Merkel et Sarkozy, acte fondateur de la présidence de François Hollande et péché originel de son mandat. Alors que le candidat s’était engagé à renégocier ce traité fondé sur l’orthodoxie budgétaire, le Président a accepté tel quel ce cadeau empoisonné pour la France. Une fois inscrit sa politique dans le marbre de l’austérité financière, le « changement » promis n’était plus permis.

 C’est dans ce cadre austéritaire que le président Hollande a assené au peuple une série de coups de boutoirs inspirés par la doctrine néo-libérale et incarnés par la loi dite de sécurisation de l’emploi, le mal nommé « pacte de responsabilité » et ses dizaines de milliards du CICE distribués généreusement au patronat, ou encore la fameuse « loi Macron ». Aucun de ces dispositifs « eurocompatibles », adoptés conformément aux désidératas du MEDEF, n’ont permis la relance de l’activité ou l’inversion de la courbe du chômage. Derrière l’échec cuisant de cette politique, le désarroi et la colère plongent nos concitoyens dans l’angoisse. Victimes de la fragilisation des systèmes de protection, nos jeunes voient leur condition de vie se dégrader : un jeune sur cinq est toujours à la recherche d’un emploi trois ans après sa sortie du système scolaire, près de deux millions de jeunes de 18 à 29 ans vivent sous le seuil de pauvreté, et près de 2 millions de ces jeunes demeurent sans emploi, éducation ou formation. Au lieu de susciter l’espoir, le projet de loi Valls-El Khomri se plaît à systématiser et institutionnaliser la précarisation et l’appauvrissement de la jeunesse. Ultime trahison d’un pouvoir présidentiel qui avait placé son mandat sous le maître-mot de la priorité donnée à la jeunesse. Il termine finalement son mandat sur un texte qui la condamne.

 En s’en remettant aux lois du marché, le gouvernement a définitivement abdiqué : la dérive libérale est parachevée. Ce texte porte en effet un message clair et global reposant sur une doctrine cohérente : la remise en cause de notre modèle social de protection des salariés qui fait la fierté et l’exception de notre pays.

 Les retouches du texte n’y font rien : la tendance fondamentale est à la régression historique du droit des salariés. Les digues érigées, fruits des luttes sociales et consacrées par le code du travail sont appelées à sauter les unes après les autres au nom de l’idée-gadget de la « flexisécurité » - c’est-à-dire « précariser les salariés pour sécuriser le patronat » via la suppression de droits sociaux. Cette conception tourne délibérément le dos à notre héritage commun.

 Le dogmatisme réactionnaire de l’exécutif l’a coupé du peuple et des progressistes qui l’ont mené au pouvoir. Enfermé dans sa tour d’ivoire, le Gouvernement ne semble pas prendre la mesure de la situation de tension qui règne dans le pays. A l’inverse, face au projet de loi Valls-El Khomri, il revient au Front de gauche de rester fidèle à ses principes et valeurs, dans le dialogue et la solidarité avec la jeunesse, les syndicats et les forces vives pour construire une alternative porteuse de nouveaux droits sociaux. La mobilisation de l’opposition progressiste et citoyenne peut avoir raison de la déraison.

Projet de loi Valls-El Khomri : la mobilisation citoyenne peut avoir raison de la déraison
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
Ç
A 100% contre une loi "précarité du travail" car il n'y a rien de bon dedans => poubelle !
Répondre