Les législatives, c’est collectif et c’est maintenant !
Depuis plus de 30 ans, l’accélération des politiques libérales par les pouvoirs successifs installe la France dans la nasse du chômage de masse, de la pauvreté, de l’accroissement continu des inégalités. Elle entretient le terreau fertile du délitement du lien social et démocratique.
Ces choix régressifs s’accompagnent d’un discours parfaitement rodé sur la supposée impuissance du pouvoir politique face à la finance. C’est un des outils des forces du capital pour imposer le consentement au renoncement. Ce combat idéologique, aujourd’hui très favorable aux dominants, s’accompagne du verrouillage d’une Vème République où l’exécutif dispose de pouvoirs exorbitants, renforcés par la primauté de l’élection présidentielle. Comment s’étonner ensuite de voir le Parlement accompagner si docilement le pouvoir en place ?
Présidentielle et législatives de 2017 ne peuvent être extraites de ce contexte historique et démocratique, où le citoyen serait spectateur d’un jeu politique aux figures imposées par le cadre institutionnel, les forces dominantes et leurs relais médiatiques. Ne pas prendre la mesure du défi que constitue le combat pour que chaque citoyen devienne acteur de son avenir, c’est nous condamner à une impuissance rêvée par tous les néolibéraux.
Aussi, les élections législatives ne peuvent être renvoyées à un simple « après » élection présidentielle et être une nouvelle fois déconnectées des enjeux réels de la fonction législative par le résultat de l’élection « suprême ». De même, la personnalisation outrancière de la « primo-élection » ne peut servir de masque à occulter la représentation nationale qui sera demain chargée de construire et voter la loi.
La prégnance du processus présidentiel sur l’ensemble du débat éloigne toujours plus les citoyens de l’élaboration des réponses politiques qui peuvent être ensuite relayées par la représentation nationale. Nous pouvons pourtant témoigner, comme élu départemental et élu national, de la richesse extraordinaire des dynamiques locales, des propositions qui remontent de nos territoires et de l’engagement de tant de nos concitoyens au service de l’humain. Tout cela irrigue notre démocratie. Comment ne pas s’appuyer sur cette richesse pour aborder les élections de 2017 ?
C’est au regard de cette réalité que nous ne pouvons nous résoudre à simplement accompagner un nouvel épisode du « roman présidentiel », dont les envolées des principaux protagonistes ne tiennent que le temps d’une campagne. Il nous appartient, comme communistes et progressistes, d’ouvrir en grand les consciences sur la menace de l’éphémère.
Certes, ces deux élections concernent des enjeux communs, tout à la fois déterminants pour l’avenir de notre société, de notre planète, mais aussi pour la vie quotidienne. C’est en cela qu’elles doivent redonner une vraie capacité d’action aux citoyens, en construisant, de la façon la plus ouverte et collective possible, des alternatives très concrètes aux politiques libérales et d’austérité.
Face à tous les discours populistes et stigmatisants facilités par le prisme de la présidentielle, l’ancrage territorial d’une construction politique populaire est déterminant. C’est la meilleure des garanties pour que demain, quel(le) que soit le Président ou la Présidente élu(e), nous puissions assurer une continuité de nos engagements politiques respectifs des lieux de vie aux institutions, et particulièrement à l’Assemblée nationale. Ce serait une profonde erreur d’analyse historique et politique de penser que la seule campagne présidentielle permettra à elle seule de réveiller durablement les consciences et de jeter les bases incontournables d’une transformation sociale et écologique. Faisons-en au contraire un temps de construction collective, indispensable pour ancrer dans la durée un mouvement citoyen capable d’intervenir dans tous les choix politiques futurs.
Bien évidemment, le renforcement de la présence de député-e-s progressistes et communistes, comme de représentant-e-s dans les autres institutions nationales et locales, est un enjeu prioritaire. Depuis 2012, avec les 10 député-e-s du Front de Gauche, et les 5 élu-e-s ultramarins qui nous ont permis de constituer le groupe de la Gauche Démocrate et Républicaine, nous sommes confrontés à une activité parlementaire poussée par les forces libérales. Le travail mené par nos député-e-s a été considérable : travail d’analyse des textes ; travail de résistance face à des attaques toujours plus graves contre les droits du plus grand nombre et les moyens donnés aux politiques publiques ; travail d’interpellation et de relais des luttes sociales ; travail de propositions dans tous les interstices que permettent encore les droits de chaque parlementaire, notamment celui d’amendement. Après l’adoption, dès 2012, du traité budgétaire Sarkozy-Merkel, avec la loi sur les retraites, la transposition de l’accord national interprofessionnel (ANI), les lois sur la réforme territoriale, la loi Macron, les député-e-s du Front de Gauche ont bien souvent été les seuls à répondre aux coups de force libéraux de la majorité parlementaire. Insuffisamment, bien sûr, au regard de la faiblesse de notre représentation et de l’indigence de nos moyens, mais aussi parce que nos propositions alternatives ne pouvaient pas s’appuyer sur un vaste mouvement populaire et citoyen.
Sur des formes différentes et propres à chaque territoire, nous appelons ainsi les communistes et tous les progressistes à ouvrir en grand le débat et à amplifier le chantier de l’implication citoyenne. C’est la voie pour avoir demain des élu-e-s dans lesquels le peuple se reconnaîtra et sur lesquels il pourra s’appuyer pour porter des choix résolument de gauche.
C’est ce parti pris d’une démocratie directe et active qui doit permettre d’enrichir le cadre de la démocratie représentative, trop souvent transformée en simple délégation de pouvoir. Cette approche nous semble souple et créative, dans l’esprit des Etats généraux qui ont marqué notre histoire, mais sans la rigueur de leur organisation que nécessitait la construction démocratique des fondements de notre République.
Commençons dès aujourd’hui par les dynamiques que nous sommes capables d’initier au plus près des gens, dans les villages, dans les quartiers et les villes, sur nos lieux de vie, pour faire de 2017 un temps électoral utile, capable d’ouvrir des chemins nouveaux vers la transformation sociale.
André Chassaigne
Député du Puy-de-Dôme, président du groupe de la Gauche démocrate et républicaine
Pascal Savoldelli
Président du groupe Front de Gauche du Conseil départemental du Val-de-Marne, responsable national du PCF aux élections
Tribune commune publiée dans le journal L'Humanité du 14 avril 2016.