Intervention lors du 37ème Congrès du PCF dans le débat sur les législatives pour 2017
Bonjour à toutes et tous,
Je voudrais en introduction délivrer à la fois une brève analyse politique sur la place et le rôle des député-e-s Front de Gauche depuis 2012, et quelques messages sur l’importance de la représentation politique de notre sensibilité au sein de l’Assemblée nationale.
Je tiens tout d’abord à rappeler l’engagement et la cohérence des député-e-s du Front de Gauche depuis le début de la mandature. Je veux témoigner de l’esprit de travail collectif et de responsabilité qui ne cesse de nous animer. Nous avons cherché à faire sur chaque texte soumis au Parlement depuis 2012 un travail d’analyse partagée, sans posture sclérosante, en votant quelques rares mesures de progrès social, très souvent en dénonçant et refusant les mesures de régression. Et en cherchant dans chaque interstice encore laissé à la représentation nationale des moyens de faire avancer nos propositions. Certes, les ouvertures sont étroites. Je les compare souvent aux « fenestrous » de nos fermes d’Auvergne. Difficile « d’engranger » dans ces circonstances !
Ce travail, nous avons dû le réaliser avec seulement 10 député-e-s Front de gauche, auxquels nous avons pu parfois associer les 5 député-e-s ultramarins qui nous ont permis de faire un groupe et de porter « notre voix », une voix singulière et progressiste au sein de l’Assemblée nationale. Nous devons beaucoup aux 5 député-e-s ultra-marins qui nous ont fait confiance. Je vous demande de les applaudir. Cette confiance… ils pourraient fort bien la pérenniser après 2017 !
Au cours de ces 4 années de travail législatif, nous avons bien entendu, comme nous tous ici, fait le constat d’une orientation politique de plus en plus libérale et droitière. Une dérive qui peut être identifiée par certains aujourd’hui par le projet de loi El Khomri, mais qui en réalité tient son point de départ - je dis souvent son « péché originel » - quelques semaines seulement après l’arrivée au pouvoir de la majorité présidentielle avec l’adoption du pacte de stabilité européen. C’est ce renoncement majeur qui a conditionné la suite des politiques conduites et la forme de fuite en avant devant la pression de la finance, du patronat et de leurs relais européens.
Je tire d’ailleurs de cette séquence politique du début de quinquennat quelques interrogations. Qu’aurions-nous sauver, voire obtenu, si à ce moment-là nous avions pu compter sur un puissant mouvement social comme celui contre la loi « travail » ? Quel rapport de force aurions-nous été en capacité d’avoir si nous avions compté 30, 40 voire 58 député-e-s Front de Gauche et progressistes refusant un tel carcan budgétaire et financier ? Comment aurions-nous pu peser sur le débat public ensuite, et obtenir d’autres choix politiques que le pacte de responsabilité, les milliards de coupes budgétaires, l’ANI, la loi Macron et j’en passe…
Si je provoque ces interrogations, c’est que nous venons une nouvelle fois de faire le constat du rôle secondaire que confère, sans rapport de force, notre Constitution au Parlement, dans le vote de la loi. Terrible confirmation au moment même où le pouvoir en place réduit la fonction parlementaire avec le 49.3. Pour nous qui portons depuis longtemps l’exigence d’une refondation de notre République sur les bases d’une citoyenneté active, voilà un épisode qui devrait servir à renforcer notre mise en lumière d’une Vème République et d’un régime présidentiel à bout de souffle.
Sur ce point il nous faut donc avoir une ambition claire : nous aurons besoin demain d’un groupe des députés progressistes avec des élu-e-s communistes, d’autres élu-e-s du Front de Gauche et plus largement des démocrates clairement engagés contre la dérive libérale. Un groupe qui doit être le plus fort possible. Nous voyons bien qu’il s’agit d’un point d’appui indispensable, en particulier quand les coups portés sont si durs à l’égard des droits des salariés et au monde du travail. Mais nous avons besoin d’élu-e-s progressistes au sein de la représentation nationale qui ne portent pas leurs convictions seulement au gré des vents des recompositions politiques d’Etats major. D’élu-e-s qui ne lâchent pas prise avec le réel, et qui ne délaissent pas leurs convictions aux moindres vents contraires d’un libéralisme triomphant.
Etant plus nombreux, les porte-voix des luttes et des exigences des salariés que nous essayons d’être auraient pu agir encore plus efficacement dans le sens du renforcement du droit du travail et du rejet des faveurs consenties depuis 2012 aux détenteurs des capitaux. Voilà pourquoi nous sommes dans une recherche permanente de convergence, de construction. Voilà pourquoi nous avons été à l’initiative de l’élaboration d’une motion de censure de gauche qui a échoué si près du but.
Il faut aussi, je le crois, que nous nous interrogions sur la place et la visibilité que nous entendons donner, dans le débat public et médiatique, à nos élu-e-s en responsabilité dans les institutions, avec une volonté de représentation de notre force politique dans toute sa diversité. Brisons pour cela toutes les formes d’autocensure que nous avons trop souvent intégrées dans notre façon de faire de la politique.
Je le dirais sans amertume. Depuis 2012, nous avons trop souvent eu des difficultés à faire entendre notre voix et faire connaître notre action. Certains ont même fait le choix de déformer cette voix…
Dans la perspective des échéances législatives de 2017, il y urgence. Urgence à clarifier nos choix et nos ambitions, non pas pour nos propres avenirs individuels, mais pour savoir comment nous allons faire vivre au mieux nos valeurs, nos idées, nos propositions novatrices. A la fois dans le moment politique qui se présente, mais aussi dans la durée, pour changer vraiment les choses, avec la perspective de construire une alternative et un rassemblement majoritaires. Bien entendu, les campagnes présidentielles et législatives seront intimement liées. Elles se feront dans le même laps de temps et sur des enjeux communs. Mais le résultat de la première est loin d’avoir un effet d’entraînement automatique sur la seconde, comme nous l’avons vu en 2012. C’est pourquoi, nous devons prioritairement arbitrer trois choses pour conduire à bien le rassemblement que nous entendons construire dans la durée et pas seulement le temps d’une élection. Qu’aurait été le Front Populaire sans les congés payés ?
Se rassembler pour faire quoi ? Avec quel contenu ? Et enfin comment ?
L’exemple de l’adoption du pacte de stabilité, au lendemain des Présidentielles de 2012, nous montre combien il faut nous prémunir des feux de paille politiques qui produisent parfois des effets inverses par rapport aux objectifs que nous poursuivons. Nous avons besoin, dans ce débat de congrès, entre communistes aux analyses différentes, mais unis, puis avec tous les citoyens de notre pays, de poser le cadre, les bases, d’un travail de fond dans la société, en commençant par les forces vives, associatives et syndicales, pour faire grandir les consciences et ne pas en rester à des injonctions. Et construire un pacte d’engagements communs !
Quels signaux donnons-nous comme base collective de ce rassemblement ?
Un signal recroquevillé sur une stratégie électoraliste du moment, OU une ambition d’implication des salariés, des citoyens dans la décision collective pour les années à venir, en sachant que rien ne se gagnera par le seul vote ?
Un signal de rétrécissement politique sur des considérations d’appartenance, voire sur des classements politiques portés à longueur d’antenne par les médias dominants, OU le signal d’une construction partagée, respectueuse de chacun-e, où nous apportons aussi sans crainte au pot commun nos propositions communistes ?
Pour terminer, je livrerai une note personnelle en disant que ma seule ambition est celle d’être un bon artisan, au côté des 9 autres députés du Front de gauche sortants, un bon artisan de cette construction politique nouvelle.
Avec détermination, mais aussi avec humilité, et, en ce qui me concerne, sans aucune autre ambition.