Discours devant le Parlement réuni en Congrès le 9 juillet 2018
Messieurs les présidents, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues,
Le discours du Président de la République est à l’image de sa première année d’action. Derrière les promesses d’un nouveau monde, c’est la politique du pire que le chef de l’État veut imposer, le pire de la Ve République, le pire du libéralisme.
Ce n’est pas à un renouveau de la pratique des institutions que l’on assiste mais à la mise en scène de ses travers : concentration et centralisation du pouvoir dans les mains du chef de l’État, dévalorisation du Parlement, défiance à l’égard des contre-pouvoirs – élus, syndicats, associations, journalistes –, isolement d’un pouvoir présidentiel gonflé de certitudes et insensible aux cris de colère poussés par le peuple.
Terrible constat : ce régime brutalise la démocratie ! L’objectif du lifting constitutionnel n’est pas de le démocratiser. Il est au contraire d’en accentuer la dérive oligarchique.
La version macroniste de la Ve République s’inscrit en effet dans une forme de continuité aggravée. Elle place les représentants du peuple dans un rôle passif de spectateurs du pouvoir. Elle en réduit le nombre pour en faire des élus hors sol, coupés des réalités du quotidien. Un modèle de gouvernement où le Président de la République et ses conseillers de la haute administration décident, tandis que le Gouvernement joue les porteurs d’eau et que le Parlement exécute. Il ne s’agit pas de légiférer, mais d’exécuter au plus vite la décision du manageur en chef de la start-up nation.
La manière dont le devenir de la SNCF a été traité illustre la technocrature mise en œuvre par le Président Macron. Derrière ce déficit démocratique, une volonté : en finir avec la fonction législative des parlementaires, un objectif : imposer davantage encore la logique hyperprésidentialiste.
Dérive gravissime, il s’agit de saper le principe de séparation des pouvoirs, au point que sa nature démocratique interroge et fait grandir la défiance citoyenne. C’est pourquoi il revient au peuple souverain de trancher sur la réforme des institutions dans le cadre de l’organisation d’un référendum.
À moins que l’exécutif ne refuse cette option, par peur de voir nos concitoyens rejeter cette réforme et, dans le même temps, la politique antisociale menée depuis un an.
Car au bout de cette année de pouvoir macroniste, le monde du travail a déjà subi une série d’agressions de la part de celui qui assume son titre de « président des riches », tout en accolant le nom de réforme à des mesures qui en réalité ne se justifient que par de considérations idéologiques d’essence purement néolibérale.
La première salve, d’une grande brutalité, a été la remise en cause des protections des salariés et l’augmentation de la CSG pour les retraités. Puis la première loi de finances a multiplié les cadeaux aux « premiers de cordée ». Enfin, après avoir supprimé l’impôt sur la fortune, le Président de la République nous a expliqué que le système de solidarité hérité du Conseil national de la Résistance coûte un « pognon de dingue » !
La réalité, c’est que la majorité au pouvoir mène la politique économique et sociale rêvée par les 500 plus grandes fortunes de France, qui sont « dingues » d’avoir seulement multiplié par deux leur « pognon » en dix ans.
Cette politique, aussi amorale qu’inefficace, aggrave considérablement les inégalités économiques, sociales et territoriales.
Mais la réalité, c’est aussi que la résistance citoyenne s’organise. Des personnels hospitaliers ou enseignants en passant par les cheminots, les salariés de l’industrie ou de la grande distribution, le malaise se généralise dans le monde du travail.
Loin de la chimère de la « start-up nation », nous, communistes, défendons la vision renouvelée d’un État protecteur et stratège, d’un État qui cesse de reculer sous les coups de boutoir des politiques libérales, qui soit le garant et non le fossoyeur de notre modèle de sécurité sociale – à rebours de ce que vient d’annoncer, de fait, le Président de la République. Nous défendons un État qui assure la renaissance de notre outil industriel, au lieu de se réjouir de brader nos actifs ; qui ne fasse pas seulement semblant de vouloir assurer des revenus décents au monde paysan ; qui œuvre à un aménagement équilibré des territoires, dans lequel les quartiers populaires, les villes moyennes, les territoires périphériques et ruraux mais aussi ultramarins ne soient pas les oubliés de la République ; qui préserve sa capacité d’agir dans les domaines régaliens, au service des citoyens.
La politique macroniste est une politique antisociale, violemment antisociale. Elle consiste à réduire les droits de ceux qui en ont, tout en prétendant en donner à ceux qui n’en ont pas. Ce modèle de société repose en fait sur une normalisation de la précarité : c’est une politique inefficace et socialement désastreuse, en un mot, une mauvaise politique.
Cette inefficacité se vérifie également au niveau de l’action extérieure du Président de la République. La politique étrangère de la France s’articule traditionnellement autour de l’indépendance nationale et du multilatéralisme. Or cette ligne dite réaliste accuse une inflexion manifeste : elle est de plus en plus interventionniste et teintée d’un occidentalisme à peine voilé.
Certes, dans un contexte mondial propice à l’unilatéralisme, et par contraste avec les postures russes et américaines, le Président de la République tient un discours valorisant le dialogue multilatéral dans les dossiers du nucléaire iranien, du libre-échange transatlantique et de la lutte contre le réchauffement climatique. Mais ces trois dossiers illustrent finalement l’échec de sa stratégie : sa proximité affichée avec le président américain ne lui permet pas, comme il le voudrait, de jouer le rôle de partenaire européen privilégié des États-Unis. Les discours passent, mais les images des embrassades resteront dans les mémoires !
Le dossier syrien illustre l’appétence de la diplomatie macroniste pour la pure communication et les coups d’éclat. C’est ainsi que dans l’affaire de l’attaque chimique sur la population de la Ghouta orientale, les États-Unis, le Royaume-Uni et la France ont joué avec la légalité et la sécurité internationales sans attendre les conclusions de l’enquête internationale, dont les responsables ont depuis indiqué n’avoir pas trouvé de preuve de l’usage de gaz innervants. Quelle indignation sélective ! Quelle conscience humaniste à géométrie variable ! Le silence français à l’égard de l’intervention saoudienne au Yémen et du conflit israélo-palestinien l’atteste.
Dans le dossier palestinien, plus délicat que jamais, et trois ans exactement après la sanglante opération « Bordure protectrice », Emmanuel Macron a affiché une relation personnelle privilégiée avec Benyamin Nétanyahou, son « cher Bibi », en visite à Paris. Cette stratégie du « bilatéralisme personnalisé » n’a produit aucun résultat tangible en faveur d’une solution de paix. Au contraire, le chef du gouvernement nationaliste d’extrême-droite se trouve conforté par ce reniement des valeurs de la France.
Quant à la gestion de la crise migratoire, le sens de l’irresponsabilité continue de primer, comme l’atteste l’épisode de l’Aquarius : de la condamnation politique et morale de l’Italie et de Malte à l’absence de volonté de porter assistance à des personnes en danger, c’est le jeu des hypocrisies qui a prévalu. L’exécutif français s’est englué dans une série d’arguties juridiques qui légitiment, au bout du compte, le discours anxiogène sur l’accueil des réfugiés, qui sont réduits à une menace sécuritaire et identitaire. L’Europe en général et la France en particulier s’alignent piteusement sur l’argumentaire des partis xénophobes, dont les discours guident désormais l’action des capitales européennes.
Cette défaillance collective nourrit les replis et les populismes nationaux. En l’absence de réponses à la hauteur des enjeux politiques et moraux de cette crise migratoire, c’est le sens du projet européen qui se couvre d’un manteau noir, instillant plus que jamais le doute sur notre communauté de destin. Quelle Europe voulons-nous : une forteresse repliée sur elle-même ou une Europe solidaire ?
Face à la politique de reniement des valeurs de la République et aux dérives autoritaires et libérales de la majorité au pouvoir, nos concitoyens peuvent compter sur nous, députés communistes, avec les progressistes qui sont à nos côtés, pour défendre leurs droits au nom d’un modèle de société digne de la devise républicaine.
C’est cet engagement que nous avons voulu porter en participant à ce congrès.
C’est ce même engagement que nous avons symboliquement affirmé cet après-midi, devant la salle du Jeu de Paume, pour préparer « …des jours et des saisons / À la mesure de nos rêves. »
Ce sont les rêves du peuple de France, de la Bastille à la Commune, du Front populaire à la Résistance et à la sécurité sociale. De la Ve République à la VIe République que nous voulons, les rêves du peuple de France, c’est notre combat !
Intervention prononcée le 9 juillet 2018 devant le Congrès au nom des député-e-s du groupe de la Gauche Démocrate et Républicaine.