Comment réformer la politique agricole commune (PAC) ? Tribune publiée dans l'Humanité
Les négociations en cours sur la prochaine PAC entretiennent beaucoup de contradictions. D’un côté une volonté de revoir les outils de soutien pour une agriculture plus durable, de l’autre l’attachement à la libéralisation des échanges agricoles avec ses conséquences délétères. Le Gouvernement français affiche ainsi son attachement à la « souveraineté alimentaire » et à la transition agro-écologique… mais promotionne « en même temps » le libre-échange et le mythe libéral de la « compétitivité ». Bien au contraire, la refondation d’une grande politique agricole et alimentaire commune (PAAC) exigerait de changer ce logiciel politique dominant pour s’ancrer sur de nouveaux piliers.
Le premier pilier est celui de la souveraineté alimentaire des Européens. Il suppose d’exclure le secteur agricole et l’alimentation de la concurrence mondialisée en stoppant les accords de libre-échange en cours de ratification ou de négociation. C’est la condition pour avancer vraiment vers une montée en gamme de toutes les productions communautaires, une meilleure qualité alimentaire et environnementale, plus de valeur ajoutée pour les producteurs. D’autant plus que nous avons la chance de disposer de premiers outils règlementaires européens, certes perfectibles mais opérationnels, qui peuvent nous permettre de mieux valoriser nos signes officiels de la qualité et de l’origine (SIQO), qui sont autant de points d’appuis pour porter notre vision européenne.
Cela implique aussi de mettre un coup d’arrêt à la guerre de profitabilité que se livrent les grands groupes de l’agroalimentaire et de la distribution. Arrêtons de tergiverser : cette guerre sape toutes les bases de revenus justes pour les producteurs, fondés sur des prix d’achat couvrant les coûts de production.
Le deuxième pilier est la nécessité d’un budget fort, pour une politique « commune » forte, indispensable pour écarter le risque de renationalisation qui accompagnerait une diminution du budget de la PAC. Le prétexte, avancé par la Commission européenne, d’une souplesse dans les choix de gestion des moyens communautaires entraînerait les États membres dans un cercle concurrentiel sans règles communes, sans critères exigibles en matière sociale, environnementale ou sanitaire. Tout le contraire de l’indispensable harmonisation par le haut !
Le troisième pilier est celui de la réorientation de nos systèmes d’aides, aujourd’hui tellement complexes que l’administration n’arrive plus à les octroyer en temps et en heure. Il faut aussi davantage d’efficacité pour obtenir des effets structurels, dans la durée, en refondant nos pratiques culturales et modes de production avec des soutiens en faveur d’un élevage vertueux et des zones de handicap, des aides spécifiques en faveur de productions ciblées aujourd’hui indispensables à l’autonomie et à la transition agro-écologique, comme les légumineuses, ou en faveur de la protection des sols. Mais il faut aussi agir sur le niveau de l’emploi agricole en liant les soutiens à l’actif agricole et en favorisant les petites et moyennes exploitations familiales.
Surtout, construisons ces outils en faisant confiance dans la responsabilité des agriculteurs. Ils sont prêts à s’engager pour peu que les objectifs et les contraintes soient clairement définis. Ils sont prêts à s’adapter si leur travail est justement rémunéré et si l’harmonisation des pratiques se fait à l’échelle européenne pour interdire des dumpings sociaux et sanitaires intracommunautaires aujourd’hui insoutenables.
Tribune croisée avec Nathalie Delattre, Sénatrice Radical-Udi de la Gironde, vice-présidente de la commission des Lois et Christian Jacob, Député LR de Seine-et-Marne, président du groupe « Les Républicains », publiée dans l'Humanité du jeudi 14 février 2019.