Exigeons l'annulation de la part des dettes publiques détenue par la BCE
Question d'André Chassaigne adressée à la Présidente de la BCE, Christine Lagarde, le 21 septembre 2020 lors de la réunion de l'Assemblée parlementaire franco-allemande.
Madame la Présidente,
Je voudrais revenir sur l'annulation de la part des dettes publiques détenues par la Banque Centrale Européenne.
Ce débat agite l'Europe entière et dépasse les représentations politiques habituelles.
Pour preuve le ralliement à cette solution de tant d'économistes et même de Mario Draghi, ancien Président de la BCE.
Il estime que c'est non seulement possible, mais surtout souhaitable.
Soyons clairs, il est question ici de l'annulation de la partie des dettes publiques rachetées depuis 2015 par la BCE soit 2 320 milliards d'euros pour l'ensemble de l'UE dont 457 milliards d'euros pour la France, et non pas l'annulation des titres de dette publique détenus par les banques, les assurances et les fonds de pension ce qui déstabiliserait le système financier et appauvrirait les épargnants.
Vous le savez Madame la Présidente, si une banque centrale annule une créance qu'elle détient, aucun passif ne serait exigible, aucun fardeau ne serait transféré.
Les Etats n'auraient plus à rembourser le principal et pourraient alors se réendetter pour un même montant et se doter de nouveaux leviers d'action.
Cela signifierait que l'Etat français pourrait d'emblée réinjecter 17 % du PIB pré-pandémie, soit 457 milliards d'euros dans l'économie, d'abord pour réorienter les financements publics, je pense d'abord à la santé, mais aussi pour financer les besoins économiques, sociaux et écologiques indispensables à notre époque.
Votre réponse s'est limitée aux arguments juridiques de l'orthodoxie budgétaire.
Permettez-moi de dire qu'elle n'est pas à la hauteur d'une crise au moins aussi grave que celle de 1930.
Christine Lagarde, Présidente de la BCE :
Merci Monsieur le député Chassaigne, j'ai plaisir à vous revoir puisque nous avons partagé quelques nuits sur les bancs de l'Assemblée nationale en tout bien tout honneur.
Je vais sans doute vous décevoir, mais vous dire que nous fonctionnons, nous Banque Centrale Européenne, dans le cadre d'un traité. Et que ce traité prévoit très spécifiquement à l'article 123, qu'il n'est pas possible, d'envisager l'abandon de titres de dette publique.
C'est tout à fait connu, mais vous le connaissez très bien vous aussi, çà n'est pas quelque chose qui nous appartient en dépit de ce que l'on peut imaginer.
On doit se conformer au traité, on doit respecter un mandat, et la réponse la plus appropriée aujourd'hui, c'est d'une part de soutenir l'économie, de s'assurer que la croissance peut repartir, que les emplois sont maintenus, et que progressivement le niveau de dette rapportée au produit intérieur brut, puisqu’on est dans le cadre de ce ratio-là, graduellement au fil du temps, sera réduit.
On va observer soyons clair, dans l'ensemble des pays de la zone Euro, une augmentation du ratio de dette sur PIB, tout simplement parce qu'il y a une augmentation de l'endettement, mais aussi parce qu'il y aura eu une baisse de la croissance. Donc on aura des ratios dette sur PIB qui seront beaucoup plus élevés, et qui varieront entre... des niveaux relativement faibles et des niveaux bien plus élevés dans d'autres pays.
Ce qui va être important, je le disais tout à l'heure à votre collègue Monsieur de député Bourlanges, c'est à quoi est utilisé l'endettement qui est souscrit par les Etats aujourd'hui.
Est-ce que c'est de l'investissement ?
Est-ce que c'est une amélioration des conditions de production, au niveau des salaires, au niveau du rendement du capital (etc) ?
Ou est-ce qu'on est dans une utilisation malheureusement un peu plus classique de la dette telle que nous l'avons connue ?