Agir pour le climat, c’est assumer la nécessité d’une profonde transformation de la société
L’examen du projet de loi Climat à l’Assemblée nationale témoigne une nouvelle fois du fossé qui sépare la communication politique d’une action climatique volontariste. Nous n’en sommes évidemment pas surpris. L’exécutif n’a eu de cesse d’enterrer, d’édulcorer ou de reporter les différentes mesures présentées par le collectif de citoyens, au mépris de ses propres engagements, en commençant par la taxe sur les dividendes.
Les député-e-s communistes avaient alerté, au printemps dernier, sur ce risque en proposant la création d’une commission parlementaire qui aurait eu la charge d’examiner les préconisations de la Convention citoyenne, d’en prolonger l’expérimentation démocratique et d’élaborer une proposition de loi.
Il n’en a rien été. Le gouvernement a préféré la stratégie du laminoir. Les ministres ont emboité le pas en enterrant au fil des déclarations, la baisse de la TVA sur les billets de train, l’augmentation de l’écocontribution sur les billets d’avions, la mise en œuvre de l’obligation de rénovation des logements, la régulation de la publicité sur les produits très polluants, la prise en compte du poids du véhicule dans le malus automobile, la mise en place d’un moratoire sur la 5G…
Ces 15 premiers jours de débats à l’Assemblée nationale confirment tous les renoncements. Ils dessinent surtout la frontière climatique infranchissable du pouvoir : ne pas toucher à la finance, aux profits des grands groupes et aux fondamentaux néolibéraux. Rien de nouveau sous le soleil, me direz-vous, sinon que la température va augmenter.
Il en résulte un projet de loi insignifiant, aux mesures marginales, et surtout, c’est un comble, à l’impact dérisoire pour lutter efficacement contre nos émissions de gaz à effet de serre ! Il n’y a qu’à lire l’avis du Haut Conseil pour le Climat sur le texte, organisme d’expertise créé par le Président de la République lui-même, pour finir de se convaincre de l’insuffisance et de l’inefficacité des mesures présentées.
Pour inscrire une loi Climat dans la visée d’une trajectoire capable d’assurer un monde vivable à nos enfants et petits-enfants, il aurait d’abord fallu prendre les problèmes à la racine du dioxyde de carbone, du méthane et du protoxyde d’azote ! Et, en conséquence, vouloir sérieusement traiter les enjeux, en planifiant, réglementant et en prévoyant les investissements, secteur par secteur, tout en donnant de vrais pouvoirs de contrôle aux citoyens et aux salariés.
Car qu’est-ce qu’une loi Climat, sans intervention financière massive de l’Etat en faveur de l’isolation et de la rénovation thermique globale du secteur résidentiel – tertiaire ? Qu’est ce qu’une loi Climat sans réglementation et engagements pour massifier le report modal de la voiture individuelle et du transport routier vers les modes doux et peu émetteurs ? Qu’est ce qu’une loi Climat sans arrêt immédiat de la signature d’accords de libre-échange et sans maîtrise retrouvée de notre souveraineté alimentaire ? Qu’est-ce qu’une loi Climat sans capacité d’assurer demain un mix électrique national et européen totalement décarboné, en mettant la production et la distribution d’électricité sous strict contrôle public ? Qu’est-ce qu’une loi Climat sans relocalisation industrielle permettant de faire baisser nos émissions importées et notre empreinte carbone ?
L’organisation méthodique de l’impuissance publique et l’abondant étalage de mesures cosmétiques ne change rien à l’affaire. Agir pour le climat, c’est assumer la nécessité d’une profonde transformation sociale et écologique de la société. Ce projet de loi n’est qu’effets de manche et tours de passe-passe. Comme aimait le dire Lacan, « on ne trouve jamais dans le chapeau du prestidigitateur que le lapin qu’il y a mis ». Avec ce projet de loi, le lapin est petit, tout petit.
Tribune parue dans le journal L'Humanité du 1er avril 2021.
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