A propos du 11 Novembre…
A quelques jours de la Commémoration de la fin de la guerre de 1914-1918, je voudrais rappeler le sens des commémorations nationales patriotiques. Régulièrement, en effet, émerge leur remise en cause dans le but de les banaliser et de les vider de leur sens historique et des valeurs qu’elles portent.
L’objectif est d’effacer la spécificité de toutes les guerres auxquelles notre pays a été confronté, alors qu’il est de tradition, dans notre République, de rendre hommage aux anciens combattants de chacune d’elles, à la date anniversaire de la fin de chaque conflit, pour que chaque génération réfléchisse et en tire les enseignements.
Je l’avais écrit l’an dernier au Président de la République, dès l’après-midi du 11 Novembre 2011, après avoir écouté, le matin même, la lecture de son message devant les monuments aux morts, dans lequel il ouvrait la voie à une uniformisation de la mémoire autour de la date unique du 11 Novembre : « En mêlant, indistinctement, tous les champs de bataille, on accrédite l’idée que le combat des poilus sacrifiés à Verdun, en 1916, aurait le même sens que la mort de nos malheureux engagés militaires français tombés à Diên Biên Phu, en 1954. Est-ce que mourir sous les balles et les obus nazis, dans le verrou de Sedan ou au Mont Mouchet, a la même signification que d’être, hélas, tué sur les rives du canal de Suez en 1956, ainsi que lors des guerres coloniales passées et actuelles ? ».
Par la confusion des événements qui n’ont pas la même portée historique, tout serait fondu dans une même condamnation abstraite de la guerre pour ne pas réfléchir sur ses causes. En ne distinguant plus les situations, on aboutit à une vision aseptisée de l’histoire et de la mémoire collective, qui ne permet plus de comprendre le passé et de construire lucidement l’avenir. Mais sans doute est-ce là l’objectif recherché, si l’on en juge par la place désormais accordée aux programmes d’histoire dans l’enseignement secondaire.
Fort justement, les enseignants de cette matière s’en émeuvent, regrettant que dans les nouveaux programmes d’histoire, les guerres soient traitées ensemble, ce qui conduit à des rapprochements erronés ou fallacieux. Rassembler les conflits du vingtième siècle dans le concept flou de « guerre totale » réduit ces conflits aux souffrances qu’ils ont engendrés, sans aborder les enjeux politiques et idéologiques de ces catastrophes successives.
En privilégiant la « folie des hommes », pour reprendre les mots de l’ancien Président Sarkozy, enseigner l’histoire des guerres reviendrait seulement à extirper le mal, le mal présent en chacun de nous. Ainsi tout se vaudrait : une aubaine à la fois pour les marchands de canons de 1914, les marchands de haine de 1939, mais aussi pour les actuels pilleurs de la planète au nom des grands principes.
C’est dire l’importance de nos rassemblements devant les monuments aux morts : c’est de cette forme de communion contre l’oubli que se dégage une approche historique qui fait réflexion, par l’analyse des causes et de l’enchaînement des faits.
Chronique publiée dans le journal La Terre.