Agroécologie ou libre-échange : il faut choisir !
L’adoption début juillet, en deuxième lecture du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt aura permis de mettre en évidence les contradictions évidentes entre le changement de cap agricole, qui constitue l’orientation fondamentale de ce projet de loi, et les choix libéraux européens désastreux pour nos agriculteurs.
En appuyant mon propos sur ceux d’Olivier de Schutter, le rapporteur spécial de l’ONU sur le droit à l’alimentation, qui ne cesse de défendre le virage de l’agroécologie pour répondre aux enjeux alimentaires de notre siècle, j’ai ainsi salué le choix du Ministre de l’Agriculture de placer au cœur de son projet de loi l’ambition de l’agroécologie. Car comme l’exprime Olivier de Schutter « l’agriculture conventionnelle accélère le changement climatique, repose sur des intrants coûteux et n’est pas résiliente aux chocs climatiques. Elle n’est tout simplement plus le meilleur choix pour l’avenir ». S’il précise que « l’approche gagne aussi du terrain dans les pays développés comme les États-Unis, l’Allemagne ou la France », il explique qu’ « en dépit de son incroyable potentiel dans la réalisation du droit à l’alimentation, l’agroécologie est encore insuffisamment soutenue par des politiques publiques ambitieuses, et peine donc encore à dépasser le stade expérimental. »
Oui, grâce au renouveau des travaux agronomiques, nous savons aujourd’hui que l’agroécologie – comme l’agriculture écologiquement intensive –, qui applique la science écologique à la conception de systèmes agricoles, est la mieux capable de répondre aux défis climatiques, alimentaires et au développement de l’emploi rural. J’ajouterai que cette approche, qui améliore la productivité des sols et protège les cultures en s’appuyant sur l’environnement naturel et les interactions entre espèces, est sans doute la véritable garantie d’une agriculture durable. Encore faut-il s’en convaincre, et, tant qu’il est encore temps, ne pas traîner des pieds et manquer le train du changement de paradigme !
Mais au regard de l’engagement vertueux de ce projet de loi, comment interpréter les choix totalement contradictoires de la Commission européenne, qui entend brader la politique agricole commune sur l’autel du libre-échange ?
Car, au premier rang des menaces qui contredisent la volonté politique française, figurent les accords de libre échange. Ils se multiplient et font, une nouvelle fois, de l’agriculture une simple variable d’ajustement du commerce international. Je fais référence, bien entendu, au projet d’accord transatlantique, mais aussi aux projets d’accords, moins connus, avec le Canada et le Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay, Venezuela)… dont les négociations sont malheureusement soutenues par la France !
Guidés par le seul approfondissement de la doctrine libérale, imposée au secteur agricole comme aux autres secteurs de notre économie, ces accords peuvent se transformer en véritable cataclysme pour nos filières agricoles. Je pense tout particulièrement, en disant cela, à nos filières d’élevage de grande qualité, qui ont une véritable épée de Damoclès au-dessus de la tête. Non seulement elles seront mises en concurrence directe avec les productions américaines, canadiennes ou sud-américaines, mais elles ne bénéficieront plus d’aucune régulation des prix et des volumes au niveau européen. Alors, agroécologie ou libre-échange ? Les deux ne sont pas compatibles. Et il faut savoir choisir.