Cette France reléguée qui doit unir ses forces
En diffusant le 28 octobre dernier, le documentaire « La France en face », France 3 a fait un acte de courage politique. Les témoignages de cette majorité de Françaises et de Français, victimes d’un capitalisme mondialisé, abandonnés par les politiques publiques, soumis à un véritable « déclassement social », traduisent l’ampleur des inégalités territoriales qui minent désormais notre pays. Cette histoire de la France contemporaine a de quoi soulever bien des indignations. On y retrouve le vécu quotidien de cette France dont les maux sont trop souvent cachés derrière les chiffres assourdissants des profits et des cotations boursières : travail précaire, temps partiel, éloignement de l’emploi, accès aux services publics restreint, frais de transports exorbitants…
Pour les territoires ruraux concernés, je ne peux m’empêcher de penser que ce documentaire fait écho, trois ans plus tard, à l’appel commun lancé avec mon ami Jean Lassalle, député des Pyrénées-Atlantiques, lorsque nous réclamions que les « campagnes de France » deviennent une « grande cause nationale ». Après 30 années d’abandon, l’urgence est bien de remettre en place une grande politique d’aménagement du territoire. Le simple affichage ne peut en effet servir à remplacer la volonté politique elle-même. Ainsi, créer un ministère de l’égalité des territoires ne suffit pas à répondre aux grandes problématiques sociales et économiques soulevées dans ce reportage. L’ampleur des dégâts sociaux engendrés par la mise en compétition des territoires nous oblige désormais à parler de reconstruction. N’ayons pas peur des mots, car la relégation sociale et territoriale, qui résulte de 30 années de libéralisme forcené, creuse peu à peu un fossé entre les Français et entre les territoires.
C’est d’abord en rompant clairement avec des choix politiques imposés par la finance, et en reconstruisant un nouveau modèle social corrigeant dans les faits les inégalités, que nous pouvons enrayer une telle cartographie en creux d’une France délaissée. Le premier acte d’une nouvelle politique d’aménagement est bien de rompre avec les politiques d’austérité qui conduisent à comprimer sans fin la présence territoriale et humaine des services publics essentiels au quotidien des habitantes et habitants de tous les territoires. Dans le même mouvement, il faut rompre avec le gel des dotations à toutes ces collectivités territoriales qui éprouvent aujourd’hui les pires difficultés pour répondre aux besoins.
Mais il faut aussi reconstruire un projet politique pour tous ces territoires. Un des symboles marquant de cette absence de projet se traduit par la baisse continue des moyens de la politique d’aménagement, comme celle de la mission « Politique de territoires » du prochain budget 2014. On s’accommode ainsi de la poursuite du drainage des richesses vers les grandes agglomérations. Il est donc temps de redonner une vraie ambition en termes de projets publics et de développement pour cette France délaissée, à l’écart des dynamiques métropolitaines qui concentrent tous les capitaux. Cela implique de dégager des moyens financiers très ambitieux.
Cette France reléguée au dernier plan des préoccupations politiques - territoires de banlieues, villes moyennes ou territoires ruraux éloignés des métropoles – doit aussi se rassembler dans un mouvement commun pour imposer d’autres perspectives. Cette France dominée doit unir ses forces pour reconstruire.
Chronique publiée dans le journal La Terre.