« Commission Mobilité 21 et Auvergne » : commentaires sur le rapport final
En acceptant, en octobre dernier, la proposition du ministre des transports de participer à la Commission « Mobilité 21 », chargée de préciser les conditions de mise en œuvre du Schéma National des Infrastructures de Transport (SNIT), j’avais conscience des enjeux complexes de cette mission. J’avais aussi mesuré la difficulté de la tâche au regard des attentes et des contraintes financières. Bien évidemment, j’avais anticipé les incontournables mises en cause partisanes à assumer à la livraison du rapport, avec un classement des projets d’autant plus soumis à contestation qu’il hiérarchise des domaines aussi divers que les lignes ferroviaires, les grands itinéraires routiers, le réseau fluvial, les accès aux ports et aéroports...
Mais j’ai toujours pensé que l’intérêt général devait l’emporter sur toute autre considération, ce qui impliquait de ma part un engagement objectif, écartant tout parti pris lié à mon ancrage régional. Cependant, en levier des attentes locale, je m’étais fixé l’objectif de porter des exigences fortes : desserte des territoires les plus fragiles, exigences environnementales, satisfaction des besoins des populations, développement économique. Ce sont ces orientations que j’ai défendues inlassablement durant 8 mois, avec une charge de travail qui a considérablement pesé, chaque semaine, sur mon agenda de député et président de groupe.
A l’issue de cette mission, je tiens à saluer l’approche éthique qui a été celle des membres de la Commission et son Président : chacun a eu la volonté de se dégager des multiples pressions extérieures et intérêts locaux, dans une écoute mutuelle et respectueuse d’avis divergents, expression de nos sensibilités différentes.
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Pour autant, les choix majoritairement retenus n’ont pas échappé aux orientations politiques, sociales et économiques mises en œuvre en Europe et dans notre pays, marquées du sceau du libéralisme : chacun sait que je ne les partage pas. Et elles ont malheureusement marqué aussi de leur empreinte le résultat de notre travail :
- Limitation des dépenses publiques et donc des services à la population en faisant le choix de l’austérité pour le plus grand nombre, sous le prétexte de la compétitivité économique, retenue comme levier de la sortie de crise. Corsetés par les contraintes financières, les transports n’échappent pas à la rigueur !
- Développement sélectif des territoires en privilégiant les métropoles à dimension européenne, au détriment de l’aménagement des régions plus enclavées et aux moyens plus modestes. La rentabilité des investissements a été une donnée prioritaire dans la hiérarchisation des projets : la prise en compte de la performance économique a davantage pesé que les bénéfices sociétaux attendus ou les effets sur l’environnement.
Au final, l’insuffisance des ressources financières dédiées aux infrastructures de transport et une approche territoriale entérinant les inégalités territoriales auront été les deux marqueurs dominants. Ils ont conduit inéluctablement à un rapport final source de frustrations, voire de colère pour les populations et acteurs économiques laissés pour compte. A chacun d’en analyser les causes et d’agir en conséquence. Au pouvoir politique de l’assumer en toute responsabilité.
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Le rapport dégage cependant un élément particulièrement positif : la volonté d’une meilleure prise en compte de l’existant, en entretenant et modernisant des réseaux indispensables à l’irrigation de nos territoires. Cela concerne en premier lieu la régénération du réseau ferroviaire, en particulier au profit du fret. Concernant la route, cela se traduit, pour l’Auvergne, par l’inscription au Schéma National des Infrastructure de Transport de plusieurs itinéraires routiers d’importance :
- La RCEA (Route Centre Europe Atlantique) a été retenue comme un axe de première priorité pour un coût estimé entre 640 M€ et 1 Md€. Je précise que nous ne nous sommes pas prononcés sur les modalités d’aménagement (en particulier le choix du péage) qui relèvent de décisions concertées à prendre avec les départements traversés (Allier et Saône-et-Loire).
- Quatre autres axes majeurs ont été inscrits au PDMI (Programme de Modernisation des Itinéraires Routiers) : en Haute-Loire, la RN 102 (entre Le Puy-en-Velay et l’A75) et la RN 88 (entre Yssingeaux et l’A75) ; dans le Cantal, la RN 122 (entre Massiac et Figeac) ; dans l’Allier, la RN7 (mise à 2X2 voies Roanne-Moulins).
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En ce qui concerne la desserte ferroviaire actuelle Paris-Clermont-Fd, deux opérations prioritaires auront un impact important sur la qualité du service :
- Le renouvellement des trains de la ligne Paris-Clermont-Ferrand par « du matériel neuf et plus performant ». Quatre lignes structurantes du réseau TET (Trains d’Equilibre du Territoire) ont en effet été retenues pour leur rôle majeur avec une enveloppe globale de 1,2 Md € pour ce renouvellement.
- Le traitement « dans les meilleurs délais » du nœud ferroviaire du secteur parisien gare de Lyon – gare de Bercy « pour améliorer la capacité d’accueil et les conditions d’exploitations ».
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Pour l’important et emblématique dossier de la LGV POCL (Paris-Orléans-Clermont-Lyon), je me suis évidemment opposé à sa relégation en deuxième priorité (2030-2040). Mais la majorité des membres de la Commission a estimé que le coût de 14 Mds € ne permettait pas son inscription en première priorité, quel que soit le scénario retenu (le premier scénario limite le total des premières priorités à 10 Mds €, le deuxième scénario à 30 Mds €). D’autant plus que le projet n’a pas été inscrit comme itinéraire structurant au réseau européen du transport (RTE-T) ouvrant droit au soutien financier de l’Union Européenne. De plus, la date de saturation de la LGV Paris-Lyon a fait l’objet de fortes controverses avec des délais allant de 2025… à 2050 !
Quatre décisions allant dans le bon sens ont cependant pu être obtenues :
- Reconnaissance du caractère indispensable de la LGV POCL, avec un double objectif : répondre à la saturation de la LGV Paris-Lyon mais aussi améliorer la desserte des territoires du centre de la France en les intégrant au réseau de la grande vitesse.
- Création d’un observatoire indépendant pour clarifier objectivement l’horizon réel de saturation, qui conditionne le commencement des travaux de POCL (en tenant compte, avec un débat contradictoire, des données les plus récentes et des projections les plus actualisées).
- Inscription d’une « réserve de précaution » de 2 Mds € pour engager, en tant que besoin, des premiers travaux avant 2030 pour des projets concernés par une saturation accélérée (par exemple pour un engagement des premiers travaux de POCL dès 2028 si la LGV Paris-Lyon devait être saturée en 2035).
- Réalisation en première priorité du nœud ferroviaire lyonnais, opération indispensable pour l’intégration ultérieure de POCL et sa jonction avec le réseau rhôdanien.
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Au regard de la qualité des travaux, tout en ayant exprimé mon opposition à certaines décisions prises majoritairement, j’ai accepté d’apporter ma signature au rapport final que je considère comme un document d’orientation soumis au pouvoir politique, c’est-à-dire à l’examen du Parlement et aux choix gouvernementaux.