Dure, la pauvreté à la campagne !
Dure réalité que la pauvreté en milieu rural ! Dans le milieu agricole, elle est souvent ignorée, comme allant de soi, masquée en fait par la dignité de ceux qui sont en souffrance. Mais l’arrivée de nouveaux résidents en situation difficile la rend désormais visible. Les campagnes sont en effet considérées comme attractives, parce que « moins chères » pour accéder au logement ou à l’alimentation. Elles ont, pour beaucoup de citadins, l’image d’une qualité de vie idéalisée, mettant en valeur le lien social et la solidarité locale. Mais cette évolution de la population rurale n’enraye pas pour autant les attaques sans précédent de ces dernières années contre les services publics, qui impactent directement la vie quotidienne des populations. Et elle crée de nouvelles exigences en terme d’accueil des plus jeunes, de loisirs et de culture, grevant le budget des communes, déjà affaibli par le désengagement de l’Etat.
Dans cet ensemble, la situation des femmes est particulièrement préoccupante. Elles doivent à la fois faire face aux inégalités sociales et de revenus entre les sexes, mais aussi aux discriminations territoriales liées à une situation d’isolement, avec des contraintes plus fortes en terme d’accès à l’emploi, de déplacements ou de charges familiales. Ces discriminations sont souvent non dites, elles ne sont donc pas prises en compte. Elles mériteraient vraiment une toute autre considération politique !
Aujourd’hui, 14 % des femmes vivent sous le seuil de pauvreté, soit 1 à 2 points de plus que les hommes. Ce sont les femmes qui sont les plus soumises au temps partiels imposés, en particulier lorsqu’elles ont des enfants, aux contrats de travail précaires, et aux salaires les plus bas.
Cette situation est renforcée en milieu rural avec des difficultés dans l’accès à l’emploi, des offres d’emploi moins qualifiées, notamment dans des secteurs comme les services à la personne. Nous les côtoyons tous les jours, nos « nounous » sans réel statut professionnel, nos aides-ménagères et assistantes de vie au service permanent des plus âgés, mais contraintes aux temps partiels et horaires flexibles, aux bas salaires et aux déplacements non indemnisés. Mais la dure réalité, c’est aussi celle de toutes les femmes dans l’obligation de rester au foyer, faute de moyens de garde suffisants ou adaptés pour leurs enfants.
Et combien sont-elles, dans nos campagnes, parmi les 700 000 femmes françaises âgées de plus de 65 ans et vivant sous le seuil de pauvreté ? Ce sont souvent ces retraitées de l’agriculture aux pensions de misère de 300 ou 400 euros mensuels, soumises aux inégalités de traitement des droits à retraite entre hommes et femmes, héritées de l’application tardive de mesures en faveur de la reconnaissance des conjoints et aides familiaux. Elles sont depuis des années dans des situations désastreuses, avec des revenus caractéristiques d’une situation d’extrême pauvreté alors même que leurs besoins sociaux et de santé s’accroissent considérablement. Comment concevoir qu’elles ne puissent pas recevoir de la solidarité nationale une juste rétribution de leurs efforts trop longtemps passés sous silence ?
Exigeons de mettre sur la table ces questions fondamentales pour l’avenir et les droits des femmes en milieu rural !
Chronique publiée dans le journal La Terre.