Étiquetage de l'origine : la reculade

Publié le par André Chassaigne

 Dix mois après l’affaire de la viande cheval dans les produits transformés à base de bœuf, l’exigence des consommateurs et des agriculteurs de connaître l’origine du contenu de nos assiettes est-elle en passe d’être enterrée ? La semaine dernière, cette question a occupé une large place dans les débats en deuxième lecture sur le projet de loi relatif à la consommation à l’Assemblée nationale. Avec l’adoption par le Sénat de plusieurs des amendements initiés par les parlementaires du Front de Gauche, le texte qui nous était présenté intégrait une avancée considérable : l’obligation de l’étiquetage de l’origine de tous les produits agricoles et alimentaires, en commençant par la viande. Mais cette avancée a été quasiment vidée de son contenu. Comment ? Par un simple renvoi à l’arbitrage de la Commission européenne, dès lors que nos bons commissaires auront déclaré cette obligation « compatible avec le droit de l’Union européenne ».

 Le volontarisme de la France est donc sérieusement remis en question. Alors que des négociations européennes avaient été ouvertes, les commissaires européens ont sans aucun doute été sensibles au vent des intérêts financiers du secteur de la distribution et des traders de l’alimentaire soufflant sur leurs têtes. Ainsi, la remise d’un premier rapport sur l’étiquetage de l’origine de la viande a été reportée. Quant aux propositions qui devaient suivre, elles ne sont plus à l’ordre du jour de la Commission.

 La « crise du cheval » ne faisant plus la une des médias, assistons-nous à un enterrement de première classe ? Le peu de transparence concernant les échanges en cours au niveau européen sur ce sujet nous fait craindre le pire. Les commissaires pourraient ainsi finir par produire des propositions a minima, comme celle qui consisterait à un simple étiquetage volontaire. Ce serait aussi désastreux pour l’image de l’Europe que pour la santé et l’information des consommateurs. Cela me rappelle la tournure des débats que nous avions eus sur le projet de loi sur les OGM et le fameux amendement n°252, appelé « amendement Chassaigne », que j’avais fait adopter et qui, en fait, était soumis, pour être effectif, à une définition européenne ! Attendre… Toujours attendre que la Commission européenne donne un feu vert qu’elle a bien du mal à donner !

 Aussi, j’ai voulu solennellement, au cours du débat sur l’article 4 de ce projet de loi, mettre la Commission devant ses responsabilités, en inscrivant dans notre législation cette obligation d’étiquetage, sans renvoi à un quelconque arbitrage européen. C’est en toute conscience de l’importance et de la portée de ces dispositions que j’ai ainsi souhaité que la représentation nationale fasse un choix de clarté et de respect des consommateurs et des agriculteurs français. Je n’ai pas été suivi par le Gouvernement et la majorité socialiste. Pourtant, je reste persuadé que nous ne pouvons plus nous arrêter là où la Commission souhaite que nous nous arrêtions. Nous ne pouvons pas légiférer en nous soumettant systématiquement aux bonnes grâces des technocrates libéraux de Bruxelles, qui placent dans leur hiérarchie des valeurs la concurrence libre et non faussée bien au-dessus de la juste information des consommateurs et de la juste rémunération des producteurs agricoles. Ne nous arrêtons pas en chemin ! Que la France ait enfin le courage de bousculer la Commission européenne en faisant de cette obligation une question d’intérêt général.

 

Chronique publiée dans le journal La Terre. 

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