Hébergement d’urgence, devoir de la République
360 personnes, dont 150 enfants, ont été jetées à la rue à Clermont-Ferrand la semaine dernière, l’association gestionnaire locale du 115, l’ANEF, n’étant plus en capacité de payer leur hébergement d’urgence, faute d’engagement suffisant de la part de l’Etat. Pour plusieurs dizaines de familles concernées, le pire est sans doute l’attente, plus d’une semaine, pour se voir enfin proposé un hébergement décent !
En effet, il aura fallu la mobilisation d’ampleur des associations, de certains syndicats et partis de gauche, ainsi que la saisie de la justice, pour trouver enfin une issue digne pour une majorité de familles, face à une situation que j’ai qualifiée de honte pour la République. A l’heure où ces lignes sont écrites, près d’une dizaine d’autres familles sont encore dans l’attente, logeant toujours sur la Place de Jaude à Clermont-Ferrand ou dans un gymnase municipal. Une question vient immédiatement à l’esprit : comment le pays des droits de l’homme, où les grandes fortunes sont en accroissement constant, en est-il arrivé à être incapable d’assumer des conditions d’hébergement décentes pour ses demandeurs d’asile, pour des mères seules avec enfants, pour des femmes victimes de violence ou des personnes sans domicile fixe ?
Malgré les interpellations répétées de l’association sur la dette qu’elle avait contractée, les ministères concernés n’avaient pas jugé bon de prendre en compte la gravité de la situation. Aider les plus démunis et éviter de jeter des enfants à la rue à la veille de la rentrée des classes ne seraient donc plus une priorité politique. Au-delà de la tournure indigne qu’a pris le règlement de cette situation d’urgence, c’est tout notre système d’hébergement d’urgence qui doit être réinterrogé.
Le 115, service qui s’adresse à tous, constitue une avancée indéniable pour offrir un toit à celles et ceux qui n’en ont pas ou plus les moyens. Mais la réponse offerte le plus souvent aux familles se limite à une chambre d’hôtel, sans prise en compte des besoins spécifiques des familles ou des femmes seules avec enfants. La responsabilité, et les financements partagés entre les ministères du logement, de l’intérieur et des affaires sociales, conduisent à se dessaisir de la gestion de cet hébergement d’urgence. Les politiques d’austérité, avec leur lot de restrictions budgétaires, servent ensuite d’alibi à l’absence de réactivité et d’anticipation. Voilà comment la responsabilité première de l’Etat, qui est de venir en aide aux plus fragiles, est ainsi abandonnée.
Cet abandon a d’ailleurs été sanctionné par le juge administratif, suite au référé des familles soulignant que le principe de continuité du droit à l'hébergement d'urgence, alors que les 360 personnes expulsés lundi matin des hôtels où elles étaient logées ont été contraintes de le faire « uniquement du fait de la carence de l'Etat à dégager un budget conséquent ».
En complément de financements pérennes, la France doit maintenant pouvoir mobiliser pour cette priorité de la République, une partie des quelques 3 millions de logements qui restent vacants, y compris par la réquisition. Des logements devenus indispensables pour répondre aux besoins croissants de personnes démunies, touchées de plein fouet par la crise économique, par les difficultés sociales et familiales, ou contraintes de s’exiler.
Chronique publiée dans le journal La Terre.