Il faut réorienter la politique forestière
Maîtrise des dépenses publiques ! Réduction des déficits ! En tant que rapporteur pour avis sur le budget de la « Forêt » pour 2013, j’ai pu relever combien cette politique de courte vue est contradictoire avec une relance créatrice d’emplois et répondant aux enjeux écologiques. Ainsi, à l’heure où l’on fait grand cas de l’environnement, où l’on promeut l’utilisation du bois dans le bâtiment, le chauffage au bois et la biomasse, les crédits affectés à la forêt baisseront de plus de 12 % par rapport à 2012 !
Amputée chaque année de ses moyens financiers et humains, notre politique forestière est considérablement affaiblie. Cette situation est lourde de conséquences. D’une part, elle conduit à une exploitation non maîtrisée de nos forêts publiques, et plus globalement à une sous-valorisation d’une ressource forestière de qualité : ainsi la France, troisième forêt européenne, importe massivement du bois, des meubles et des planches, occasionnant un déficit inacceptable de six milliards d’euros de la balance commerciale dans ce secteur. D’autre part, les fonctions écologiques de la forêt sont progressivement négligées, au profit d’intérêts privés de court terme.
Aujourd’hui, l’Office Nationale des Forêts (ONF) n’est plus en mesure de faire face à toutes ses missions. L’établissement est contraint chaque année de les adapter aux moyens dont il dispose, en contradiction avec le code forestier, qui fixe comme obligation une gestion « durable, multifonctionnelle, accompagnée de l’obligation d’une exploitation accrue ». Aussi, j’ai proposé l’arrêt immédiat des suppressions de postes et la suspension du contrat d’objectifs 2012-2016, signé entre l’État, l’ONF et la Fédération nationale des communes forestières, dont les effets sont catastrophiques. Cette réorientation de l’ONF est évidemment indissociable de la mise en place d’un financement stable et pérenne. Et elle conditionne la mise en œuvre d’une politique ambitieuse de préservation de la biodiversité et des paysages forestiers, avec la trame verte et bleue et le développement des corridors écologiques. « Forêt, haute maison des oiseaux bocagers » écrivait déjà Ronsard.
Répondre au défi de la valorisation des forêts françaises avec l’augmentation de la production de bois, c’est aussi anticiper sur les besoins en emplois pérennes et qualifiés. J’ai exprimé dans mon rapport ma conviction que ces besoins ne pourront pas être satisfaits tant que perdureront les conditions actuelles de travail en forêt. Nous avons notamment en mémoire les suicides de quatre forestiers de terrain à l’été 2011, et plus largement de vingt agents patrimoniaux de l’ONF en six ans. Mais il s’agit d’un problème plus vaste qui affecte, au-delà de l’ONF, l’ensemble des travailleurs forestiers au sens large : sylviculteurs, bûcherons, débardeurs, transporteurs de grumes et, en aval, les salariés des scieries. L’amélioration des conditions de travail en forêt et en scierie est un préalable absolument nécessaire au développement de la filière forêt-bois.
Un débat d’envergure s’impose afin de réorienter notre politique forestière nationale selon un projet cohérent, créateur d’emplois et écologiquement efficace : c’est la demande que j’ai faite au ministre. J’en appelle à la mobilisation du plus grand nombre pour qu’elle soit entendue.
Chronique publiée dans le journal La Terre.