Il ne suffit pas de « faire salon » !
Comme chaque année, le salon de l’agriculture aura permis de renouveler ce moment fusionnel entre « gens des villes » et paysans. Beaucoup des candidats à l’élection présidentielle y ont une nouvelle fois flatté la France paysanne qui alimente l’imaginaire collectif. Au cours des dix dernières années pourtant, dans leur majorité, les mêmes prétendants n’auront eu de cesse d’accompagner, voire d’encourager, les politiques de libéralisation du secteur agricole à tous les niveaux.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : de 2000 à 2010, le nombre d’exploitations agricoles a diminué de 26 % et l’emploi agricole de 22 %. Notre pays compte désormais moins de 500 000 exploitations professionnelles. Et ce sont évidemment les petites et moyennes structures, les exploitations familiales, qui ont payé le plus lourd tribut de cette politique, alors que le nombre de très grandes exploitations s’est accru. C’est d’abord la réalité humaine de l’agriculture française qui est touchée au cœur : cette réalité que les visiteurs du salon aiment embrasser le temps d’une journée.
L’extrême concentration du nombre d’exploitations sur le territoire national doit nous faire réfléchir collectivement à ce que devient le tissu rural français en ce début de siècle. Cette situation inquiétante doit surtout nous conduire à anticiper sur la capacité que nous aurons, dans les décennies à venir, à redonner aux campagnes de France leur vocation première : nourrir les hommes, de façon saine et responsable.
Car les Françaises et les Français ont une ambition à la fois raisonnable et terriblement exigeante pour leur agriculture. Ils veulent une agriculture diversifiée, de qualité, à dimension humaine et responsable écologiquement. Ils sentent bien pourtant que cette France agricole qu’ils désirent, est aux antipodes de la pente dominante qui pousse l’agriculture française et européenne vers l’agroindustrie, l’hyperspécialisation, la compétition et la dépendance aux injonctions du marché mondial.
Aussi, ne suffit-il pas de « faire salon ». Il faut extirper l’agriculture encore à taille humaine du tribunal libéral qui la condamne arbitrairement à la guillotine. Il nous faut construire un nouveau pacte agricole en associant les paysans, les salariés du secteur agricole et les consommateurs-citoyens. Ce pacte fondateur est la condition d’une nouvelle politique agricole commune, qui se donne les moyens d’un renouveau agronomique et alimentaire, mais aussi écologique et social.
Sur cette voie d’avenir, notre engagement, ces prochains mois, doit permettre à la PAC de ne pas servir de première variable d’ajustement européen à la crise du capitalisme mondialisé. Mais il faut aussi l’affirmer clairement, on ne peut vouloir maintenir d’un côté un budget de la PAC ambitieux à Bruxelles, et continuer de ne rien vouloir changer sur la répartition des subventions accordées au niveau national. La PAC ne peut plus être « un tiroir-caisse pour certains » et « une aumône pour les autres », comme l’affirmait récemment un syndicaliste paysan.
Avec d’autres, le Front de Gauche s’est d’emblée placé sur le terrain des propositions concrètes pour engager cette transition vers un nouveau modèle agricole européen, faisant de l’agriculture une des pièces maîtresses de la planification écologique.
Chronique publiée dans le journal La Terre du 28 février au 5 mars 2012.