L'élevage encore une fois sacrifié ?

Publié le par André Chassaigne

 Décidemment, rien ne semble changer dans les orientations politiques de l’Union européenne vis-à-vis de son secteur agricole. Non seulement les arbitrages retenus pour la politique agricole commune, pour la période 2014-2020, entendent continuer sur la voie du désengagement des politiques publiques agricoles communautaires, mais la Commission européenne s’obstine en plus à vouloir faire des agriculteurs, et singulièrement des éleveurs, une monnaie d’échange des accords commerciaux en cours de négociation avec les Etats-Unis ou les pays du Mercosur.

 Alors même que l’on débat en France, avec le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, de nouvelles pistes pour développer des pratiques agricoles alliant performance économique et performance environnementale, les éleveurs doivent avoir bien du mal à comprendre l’intérêt de faire entrer en Europe, et sans droits de douanes, des dizaines de milliers de tonnes de bœuf canadien ou américain supplémentaires. N’y a-t-il pas une contradiction évidente entre l’exigence de « compétitivité », rappelée dans tous les discours destinés aux éleveurs européens, et les nouveaux cadeaux sur les droits de douanes gracieusement offerts à la viande des pays extracommunautaires ? On aura de même bien du mal à parler de performance environnementale, lorsqu’il s’agit de faire voyager les carcasses de bœuf d’un bout à l’autre de la planète, tout en vantant les mérites de l’engraissement dans nos territoires et les marchés de proximité.

 En réalité, l’Union européenne, avec l’accord de la France, poursuit à marche forcée la libéralisation de son secteur agricole, notamment à travers le Grand Marché Transatlantique. Le mandat donné à la Commission européenne par le Conseil des ministres européen, mandat secret dévoilé par le journal L’Humanité, rappelle qu’il s’agit pour tous les secteurs d’aller à une « réduction substantielle des tarifs douaniers ». Quant on connaît la fragilité du secteur de la viande, et notamment de la viande bovine, et le rôle indispensable du maintien de tarifs douaniers très élevés pour maintenir des exploitations sur nos territoires, il y a de quoi être très inquiet.

 Avec une mise en concurrence brutale des productions, la volonté, largement partagée, de maintenir des actifs agricoles nombreux en Europe, dans nos régions, sur nos territoires de montagne, ne serait plus qu’une vague incantation. Avec des prix de vente des carcasses encore dégradés et des aides compensatrices à l’étiage, comment penser permettre à des exploitations familiales, à taille humaine, de se maintenir en les mettant toujours plus en concurrence avec les viandes bradées ?

 Il est encore temps pour notre pays de refuser ce grand marché de dupes, en appelant les Européens à rompre avec le libre-échange sur les marchés agricoles pour pousser une autre ambition européenne et redonner une vision à notre politique agricole commune pour les années à venir.

 

Chronique publiée dans le journal La Terre

 

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