La grande misère budgétaire de l'écologie libérale
Les ministres en charge de l’Ecologie peuvent bien changer, les budgets qui lui sont consacrés, eux, restent.
Ainsi l’examen des propositions budgétaires du ministère de l’Ecologie pour 2011 est limpide : tous les programmes de la mission connaissent des baisses de crédits substantielles. Avec 611 millions d’euros de moins pour 2011 par rapport à 2010 ce gouvernement fait plus qu’enterrer, comme je l’entends dire dans la presse, les promesses du Grenelle. Il affiche son renoncement à porter une politique environnementale pour l’avenir. Il capitule sans combattre face aux exigences des marchés, c’est à dire face aux actionnaires, aux puissants, à la poignée de riches qui sont à l’origine des désastres environnementaux planétaires.
Comment ce gouvernement s’y prend t-il pour accomplir sa mission d’agent servile de l’écologie libérale ?
Il opère d’abord des coupes budgétaires massives dans toutes les dépenses de fonctionnement des services et des « opérateurs » liés au Ministère de l’écologie. Pour cette année, les dépenses de personnel sont amputées de 62 millions d’euros, tandis que les dépenses de fonctionnement sont tout bonnement divisées par deux, passant de 2,6 milliards en 2010 à 1,3 milliards pour 2011. Le schéma d’emploi du ministère relève une diminution de 1287 équivalent temps plein en 2011, après les 2700 suppressions de 2009 et 2010. Le Gouvernement prive ainsi l’Etat de tous ses moyens d’actions. Il regroupe les directions et les services. Il taille dans l’emploi. Il dilapide les compétences de ses agents sur les territoires. Il affaiblit toutes les capacités d’intervention et de contrôle sur les acteurs économiques pour porter les politiques publiques environnementales. Cette année, le ministre de l’Ecologie, plus que jamais aux ordres de l’Elysée, opère un plan d’ajustement structurel du Ministère de l’Ecologie qui est un véritable modèle du genre. Le rythme de suppressions d’emploi et de coupes budgétaires dépasse le rythme d’érosion de la biodiversité mondiale. Triste record !
Le gouvernement renonce aussi à toute une série d’engagements dans des secteurs clés comme celui des transports en abandonnant en rase campagne les objectifs de report modal pour faire passer de 14 % à 25 % la part du fret routier sur transports alternatifs d’ici 2022. Comme pour la biodiversité, ce gouvernement semble atteint par le « syndrôme de Nagoya », une variante du « syndrôme de Copenhague » : des promesses qui n’engagent que ceux qui les tiennent, des promesses sans engagements financiers, des promesses qui ne remettent pas en cause la casse des outils publics indispensables à toute démarche écologique résolue comme avec le Fret SNCF !
Ce gouvernement, avec l’appui des écologistes libéraux, met toute son énergie à préserver les intérêts et les outils qu’il faut combattre, à persévérer dans l’acte de foi qui le lie aux puissances d’argent. Ainsi, en réponse à plusieurs députés qui s’interrogeaient en commission sur les dérives du marché européen du carbone, Madame Chantal Jouanno, qui vient de changer d'attribution, leur répondait tranquillement qu’effectivement les marchés européens du carbone semblaient avoir connu quelques « fraudes ». Quelques petites fraudes ! Il suffirait donc de colmater ici les petites fuites, là les dérives passagères, ici les petites tromperies en millions d’euros, là les grandes corruptions en millions de tonnes de carbone émises malencontreusement, de ce côté-ci les ventes de crédits fictifs, de l’autre les accaparements de crédits inexistants…
Ah quelle belle histoire que nous raconte chaque jour l’écologie libérale ! Parce que le système n’est pas encore très vertueux, il suffirait de le moraliser un peu pour repartir d’un bon pied. Madame la ministre joue le rôle de la Blanche-Neige climatique, quand Monsieur Lalonde est le prince charmant des couloirs du temps ! La bonne morale du capitalisme vert dans l’océan de la cupidité : quel joli conte pour nos enfants !
Alors on peut, c’est bien compréhensible, essayer de capitaliser encore un peu sur le « mythe Grenellien », sur cet « esprit Grenelle » qui vint à souffler. Quoi de plus logique en somme que de servir les siens en faisant un petit appel d’offre à une PME de l’expertise environnementale pour se sentir rassurer dans sa communication ? Ce jour-là, on se presse, on se jalouse pour être les premiers à s’émouvoir des conclusions du petit cabinet Ernst and Young sur la bonne tenue des engagements. Et quel suspense haletant pour savoir si le Grenelle mérite toujours son premier prix de la communication environnementale présidentielle. Avec 18 % d’engagements tenus, c’est assurément la meilleure performance du Gouvernement ! Félicitations !
La croyance dans un système économique incapable de répondre aux défis environnementaux qui se posent à l’humanité est manifestement sans limites. A l’unisson des autres pays européens, le gouvernement français coupe les crédits consacrés à l’environnement comme s’il coupait une tranche de pain, sans prendre la mesure de ses actes. En agissant ainsi, il précipite à la fois la crise écologique et la crise sociale. Aveuglé par les sirènes de la finance, il relaie la question écologique et les besoins qui s’imposent à notre pays pour porter l’ambition environnementale à un rang que l’on ne croyait plus atteindre au XXIème siècle.
Cette pantalonnade prouve encore combien nous avons besoin de revoir les fondements de la construction politique dans ce domaine, combien c’est au cœur du fonctionnement du système que nous devons nous attaquer. Nous devons redonner toute leur place à des constructions absentes des manuels de l’économie libérale de l’environnement : l’extension des services publics pour répondre durablement aux besoins fondamentaux, la gestion partagée des ressources naturelles et du bien commun, l’intervention salariée dans les moyens de production. Nous devons redonner aux citoyens comme à la France les moyens d’intervenir, de construire, d’agir pour répondre aux défis environnementaux de ce siècle.