« La mère des batailles »
Les graves affaires qui se succèdent dans le monde politique, et qui mettent en cause les pratiques d’une oligarchie coupée des réalités sociales, ont contribué à laisser malheureusement dans l’ombre un événement tout aussi scandaleux. Avec les députés du Front de gauche, je l’ai rappelé dans un communiqué : l’affaire Cahuzac ne doit pas faire oublier l’Accord National Interprofessionnel (ANI), une des pires régressions de notre histoire sociale ! En effet, c’est le même jour que débutait, à l’Assemblée nationale, l’examen du projet de loi de « sécurisation de l’emploi », retranscrivant l’ANI. Ce projet de loi a été écrit à l’encre du MEDEF. Il est attendu par les agences de notation. Pas étonnant donc qu’il marque une régression historique du droit du travail. En faisant prévaloir la négociation sur la loi, les accords collectifs sur le contrat de travail, il entérine de fait un rapport de force totalement défavorable aux salariés et donne toutes les manettes au patronat quand les représentants du personnel cèdent au chantage.
Avec ce projet de loi, un plan social pourra être mis en place en vingt et un jours. En cas d’impossibilité d’accord d’entreprise, la DIRECCTE, c’est-à-dire l’administration, pourra homologuer ou non le plan social. En l’absence de réponse dans un délai limité à vingt et un jours, le plan social sera validé de fait. Avec de tels délais, les solutions alternatives élaborées par les salariés seront désormais impossibles. Avec une telle loi, Fralib n’aurait pas tenu plus de 90 jours alors que les salariés en sont à plus de 900 jours de lutte ! Les nombreuses luttes qui ont sauvé l’outil de travail et conduit à la victoire n’auraient pas pu se développer : que ce soit M-Real (dans l’Eure), Continentale nutrition (dans le Vaucluse) ou la chocolaterie de Dijon, la victoire était impossible. Le projet de loi facilite aussi licenciements et mauvais coups lorsqu’il encadre les recours aux prud’hommes, réduit considérablement les délais de prescription et plafonne les indemnités de dommage et intérêts. De plus, depuis 1945, le premier critère mobilisable contre un licenciement était un critère social : les charges familiales et les difficultés de la personne. Désormais, la « compétence » pourra prévaloir, jaugée par le patron à l’aune de ses appréciations personnelles.
Alors que la discussion du texte avait été programmée 4 jours, les députés du Front de gauche se sont battus pied à pied 6 jours durant, avec autant de séances de nuit, jusqu’au vote final du 9 avril, journée de mobilisation syndicale. Ce combat a été pour nous « la mère des batailles ». Contre ce casse du siècle, nous avons défendu l’intérêt général, celui des salariés comme celui des petites entreprises écrasées par leurs donneurs d’ordres et le coût du capital. Notre engagement a été total pour défaire ce texte et rappeler la gauche à ses engagements et à ses valeurs. Nous avons défendu, article après article, des centaines d’amendements : si les « bougés » ont été minimes, nous avons éclairé nos concitoyens sur les motivations réelles de ses rédacteurs. Le mouvement social peut maintenant se saisir de l’ensemble de ces débats pour nourrir et amplifier la mobilisation avant le passage au Sénat. Les Français doivent être informés des régressions qu’ils vivront dans leur quotidien avec ce texte, porté par le Gouvernement et sa majorité, et défendu avec force par le droite et le MEDEF.
Eux-aussi peuvent en faire « la mère des batailles » !
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Toutes les interventions des députés du Front de Gauche, tous les débats, article par article, tous les votes, sur le projet de loi relatif "à la sécurisation de l'emploi", sont disponibles ici.
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Voir aussi :
Intervention générale à l'Assemblée nationale, le 2 avril 2013
Explication de vote des députés du Front de Gauche, le 9 avril 2013