Le choix des campagnes, pas aussi simple !
L’expression politique des habitantes et habitants des campagnes de France ne relève pas de l’analyse simpliste des éditorialistes qui se sont empressés, après ce premier tour, de stigmatiser une ruralité qui serait soudain acquise au vote en faveur de Marine Le Pen.
D’abord, il faut faire le constat de poussées contradictoires, avec d’un côté une hausse, parfois très forte, du vote Front National sur les territoires ruraux, mais aussi de l’excellente dynamique du Front de gauche dans nombre de ces territoires, comme l’Ariège, les Alpes-de-Haute-Provence, les Hautes-Pyrénées, l’Ardèche, la Haute-Vienne, le Puy-de-Dôme, l’Allier, le Cher, les Landes, l’Aude… Cela se matérialise aussi avec certaines communes rurales limitrophes qui ont placé sans raison apparente l’une ou l’autre de ces deux forces politiques en tête des votes.
Bien peu de commentateurs politiques se sont hasardés à esquisser les causes profondes de tels mouvements politiques. Ce qui ressort de ce scrutin, n’est-ce pas d’abord le rejet spectaculaire d’un Président de la République sortant et de sa politique d’abandon de la ruralité dans l’ensemble de ses choix politiques, dans le domaine agricole, industriel et social ?
N’est-ce pas sur cette réalité de la relégation économique et territoriale du monde rural, sur le vécu d’une forme de déclassement social des habitantes et habitants des campagnes, qu’a pu prospérer un vote aussi contraire avec les besoins exprimés au quotidien par les habitants ?
Il faut que nous sortions rapidement les votes pour le Front National du bourbier de l’incompréhension et de l’indignation stérile dans lequel beaucoup de forces politiques ont intérêt à les enfermer. Ne laissons pas s’installer non plus une forme de rejet à l’encontre d’électeurs, qui se sont saisis d’un bulletin de vote jugé utile pour s’exprimer dans les circonstances particulières du premier tour de l’élection présidentielle.
Ce que construit le Front de Gauche sur nos territoires ruraux, avec ses idées partagées, j’en suis certain, doit nous pousser à aller toujours plus au-devant de nos concitoyens ruraux en souffrance. Sur la hausse des petits salaires, sur la question de l’emploi, sur la question des prix et des revenus agricoles, du pouvoir d’achat, sur le développement indispensable des services publics en zone rurale, nous sommes en phase avec les consciences. Ne laissons surtout pas l’opportunité à d’autres de venir tirer vers le bas les acquis de ces mois de campagne.
Oui, les campagnes françaises et européennes se cherchent un nouvel avenir. Il ne peut ni passer par la fuite en avant dans le libéralisme qui broie les territoires les plus fragiles, ni dans un repli sur soi, sur une France idéalisée et nostalgique. Soyons conscients que nous incarnons, avec nos idées, le vote du vécu, celui des solutions concrètes et argumentées, quand d’autres essaient toujours plus de capitaliser sur la réaction affective et le rejet de l’autre. Ne laissons surtout pas s’installer un simple vote au premier degré.
Au contraire, avec gravité mais responsabilité, prenons ces résultats comme une nouvelle incitation à faire avancer des politiques de progrès social pour nos campagnes. En commençant, lors de ce second tour, par battre sévèrement le candidat de l’abandon, Nicolas Sarkozy, par un vote clair et net pour François Hollande.
Chronique publiée dans le Journal La Terre.