Les commentaires rétrécis n'arrêteront pas la mobilisation populaire !
Depuis l’immense mobilisation de mardi 12 octobre, avec le début du mouvement étudiant et lycéen, et la pression populaire maintenue samedi dernier, de très nombreuses personnes rencontrées m’interrogent sur le traitement par les médias de ce mouvement. La préoccupation n’est pas anodine. Je leur réponds que ce qui est révélateur dans le mouvement social en cours, c’est de voir les médias de droite, en enfilade des porte-parole du Gouvernement ou, encore dimanche soir, François Fillon sur TF1, chercher à se rassurer… Quitte à encore une fois avoir tout faux. Le Président de la République a même donné de la voix hier pour dire qu’il ne reviendrait pas en arrière, confirmant sa volonté de casser le pacte républicain en accentuant sa politique de dé-civilisation.
Ainsi, nous entendons la même petite musique depuis une semaine :
- Certains leaders syndicaux rêveraient en secret que le mouvement social s’arrête, car au fond d’eux-mêmes, ils sauraient que la réforme du gouvernement est juste. Leur seul objectif serait de troquer quelque chose en échange de l’arrêt des grèves - un repas au Fouquet’s ? - et de gérer leur base militante qui ne comprendrait rien à l’intelligence profonde du gouvernement et au caractère fondamentalement juste de sa réforme.
- Les jeunes seraient à ce point « jeunes », qu’ils en seraient devenus totalement inconscients, et perméables à toutes les manipulations politiques. Et leur avenir serait objectivement assuré par la réforme présente, dont ils ignoreraient les vertus pour leurs retraites futures et les 400 000 jeunes aujourd’hui à la recherche d’un emploi.
Le pire de ces commentaires, c’est qu’ils sont dits avec tellement d’assurance sur toutes les ondes et les chaînes de télévision qu’ils passeraient presque pour vérité établie ; aussi sûr que 2 et 2 font 4. La « substentifique moëlle » de ces commentaires, c’est tout ce qu’ils sous-tendent des refoulés idéologiques de la droite, qui reviennent à chaque fois qu’elle se trouve en grande difficulté :
- Pour ces gens-là, l’intelligence est forcément de leur côté. Les salariés, les ouvriers, les employés, les profs, les paysans, les chômeurs et les jeunes ne sont bons qu’à descendre et contester dans la rue, ou à faire brûler quelques palettes sur un piquet de grève. C’est bien parce qu’ils ne comprennent rien à la marche du monde qu’il faut faire de la pédagogie avec eux : hier sur le projet de constitution européenne, aujourd’hui sur les retraites. C’est bien aussi parce que ces gens sont issus du peuple qu’ils sont turbulents et râleurs. Selon eux, il serait préférable pour la France que chacun reste à sa place : les ouvriers devant leur poste de travail, les chômeurs au Pôle Emploi, les paysans sur leurs tracteurs, les jeunes sagement dans leurs classes… et les « élites » dans la cabine de pilotage.
- Pour ces gens-là, les logiques libérales sont comme les lois de la physique : naturelles. De la même façon qu’il serait absurde de faire grève contre la loi de la gravité, il est grotesque de manifester contre une réforme qui se contente de respecter les lois économiques de la « responsabilité » budgétaire.
Devant un tel déferlement d’idéologie et de bonne conscience bourgeoise, il est temps de notre côté de proposer une autre vision du monde, un monde où chacune et chacun reprendrait sa vie, son avenir en main.
Ainsi, messieurs les éditorialistes, dans les syndicats français ce n’est jamais la direction qui décrète la grève générale ; ce sont les salariés dans les entreprises, les personnels dans leurs services qui en décident (ou pas), en prenant en compte les risques et les avantages d’une telle décision. Et c’est exactement ce qui se passe en ce moment.
Ainsi, messieurs les analystes du petit écran, dans notre conception du monde, l’intelligence n’est pas une denrée rare et exclusive : elle est partout et ne demande qu’à s’exprimer. Le pouvoir n’est pas réservé à ceux qui savent : il se partage. Nos revendications ne sont pas des bêtises d’adolescents attardés : elles sont la traduction d’une volonté de vie meilleure et de la possibilité du changement. La démocratie n’est pas confiée au « bon-pouvoir » de quelques-uns par héritage : elle se construit avec le peuple tout entier.
La gauche n’est pas le versant sympa et philanthrope de l’« élite », quand la droite en serait le versant brutal et égoïste. Elle est bien autre chose : elle incarne cette idée qu’il convient de se battre et de gagner toujours ensemble plus de droits, de pouvoirs et de moyens, d’être maîtres de nos vies et de notre avenir. C’est du moins la conception que j’en ai et que j’essaie de faire vivre au quotidien de mon activité.
D’une petite sous-préfecture, comme à Ambert dans la circonscription dont je suis le député, jusqu’aux interminables cortèges parisiens, je vois dans toute la France, derrière la colère montante, une véritable soif de changement. Je mesure la prise de conscience qui s’affûte et s’aiguise chaque jour au contact des autres. Les unes après les autres, les répliques gouvernementales sont déconstruites et contredites par l’intelligence collective d’un mouvement qui ne cesse d’agglomérer les expériences citoyennes.
Je suis sûr que nous ressentons tous une forme de fierté retrouvée devant l’enthousiasme et la détermination grandissants de nos collègues, de nos amis et de nos proches. J’ai le sentiment, action après action, manifestation après manifestation, que la crainte et la peur changent de camp, et que la fin de l’injustice se rapproche.
C’est aux côtés de cette force en mouvement que je suis à nouveau aujourd’hui et lors des prochaines manifestations. Après tout, loin des commentateurs réactionnaires, c’est là que s’écrit notre histoire et notre avenir à tous !