OGM en agriculture : des souvenirs…et des exigences !
Vous vous en doutez, la tempête médiatique qui s’est une nouvelle fois abattue il y a une semaine sur la question des organismes génétiquement modifiés (OGM) m’a rappelé quelques souvenirs, lorsque je m’évertuais, en 2008, à démontrer toutes les insuffisances de la loi sur les OGM que nous avait soumise la droite au pouvoir.
Bien sûr, j’ai été très attentif au contenu et aux résultats de l’étude portée par le professeur Gilles-Eric Séralini, dont la ténacité scientifique sur la question de la toxicité des OGM contraste radicalement avec la pauvreté des moyens publics qui lui auront été accordés durant toute sa carrière scientifique pour mener ses recherches. Je ne me risquerai donc pas à commenter les résultats de l’étude menée durant deux ans, sur un type de maïs transgénique, le NK603 de Monsanto, et qui semblent confirmer la très forte toxicité et les risques pour la santé tout à la fois de cet OGM et du produit phare de la multinationale américaine, le RoundUp. D’autres n’ont pas manqué de le faire, en n’évitant d’ailleurs pas l’instrumentalisation médiatique d’un sujet complexe.
En revanche, cette soudaine mise en lumière nous rappelle combien il y a urgence à revoir en profondeur le cadre règlementaire et scientifique d’évaluation des OGM et de leur commercialisation, qu’ils soient destinés à la consommation animale ou humaine. C’est une première exigence. Car nous connaissions déjà, en 2008, les graves carences dans les procédures d’évaluation, avec une place démesurée accordée aux firmes elles-mêmes dans les études toxicologiques et d’impact. L’amendement 252 avait d’ailleurs permis d’ouvrir une première brèche, en protégeant, je le rappelle, certains écosystèmes, certains territoires fragiles, ainsi que les productions agricoles de qualité et les consommateurs du laisser-faire de l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA). Lorsque le ministre de l’Agriculture renouvelle l’idée « qu’il faut revoir les conditions d’autorisation des OGM à l’échelle européenne », nous ne pouvons que l’applaudir…tout en souhaitant que l’on accélère le rythme.
La seconde exigence, posée par cette nouvelle recherche, tient aux moyens dont disposent aujourd’hui les organismes publics chargés de l’évaluation des OGM dans notre pays, avec notamment le Haut Conseil des Biotechnologies, l’ANSES, et nos organismes publics de recherche. Mais il n’est pas certain que les perspectives budgétaires pour notre recherche publique aillent dans ce sens.
Enfin, la troisième exigence, qui surpasse de loin toutes les autres, c’est d’engager concrètement l’indispensable cheminement de l’agriculture européenne, et mondiale, vers un modèle agricole durable, c’est-à-dire relocalisé, écologiquement intensif, qui produise en suffisance des denrées alimentaires de qualité pour toute la population. Si l’on s’engage réellement sur cette voie, nous savons déjà que l’immense majorité des produits OGM exploités aujourd’hui sous brevet par les multinationales comme Monsanto, ne nous apportent pas d’avancées. Au contraire, ces produits enferment les agriculteurs dans la spécialisation, l’utilisation massive d’intrants et de produits phytosanitaires. Tout comme ils accentuent les débouchés à l’exportation et la spéculation en portant atteinte aux agricultures familiales.
Chronique publiée dans le journal La Terre.