On achève bien le rural

Publié le par André Chassaigne

 

 Les députés ont adopté, le 26 janvier, le projet de loi relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, présenté par le Ministre de l’Intérieur. Ce texte constitue une remise en cause partielle de la réforme territoriale mise en place par la droite. Si nous avons fait le choix de le rejeter, comme députés du Front de Gauche, c’est parce qu’il porte un coup grave à la fois à la représentation du monde rural par un élargissement considérable du périmètre des cantons, et qu’il s’attaque frontalement au pluralisme politique, avec le choix d’un scrutin majoritaire par binôme homme/femme sur chaque canton.

 En tant qu’élu et habitant du monde rural, j’ai redit durant les débats combien ce projet de loi portait la volonté de s’en prendre aux territoires ruraux, et par-delà les arguments sur l’amélioration de la représentativité, à la vitalité démocratique de nos territoires. On pourrait me rétorquer que je fais preuve d’un « ruralisme » déplacé. Ruralisme certes… mais pas déplacé. J’ai été moi-même élu, pendant vingt-cinq ans, conseiller général d’un canton de 1 350 habitants, et je suis le premier à dire qu’il fallait un redécoupage au regard du rapport avec le nombre d’inscrits. Mais l’application du texte va conduire à un ajustement quasi-mécanique, avec une marge de plus ou moins 20 % d’habitants dans chaque canton. Au final, ce redécoupage cantonal divisera par 2, 3 voire 4, la représentation effective des territoires ruraux dans les assemblées départementales.

 Le second effet amplificateur, ce sera bien sûr le binôme homme/femme sur un canton élargi, avec un scrutin majoritaire à deux tours. Si nous partageons la volonté de garantir une parité effective, nous ne pouvons soutenir un mode de scrutin qui fera reculer le pluralisme sans pour autant garantir la proximité. Même si le Ministre de l’Intérieur n’a jamais voulu y faire référence, c’est une façon d’aller extrêmement rapidement vers le bipartisme. Avec un scrutin majoritaire à 2 têtes, les principaux partis seront surreprésentés, tandis que les petits ne pourront avoir d’élus que dans le cadre d’accords électoraux. Le bipartisme et l’influence des partis dominants seront donc renforcés, ce qui pourra favoriser une nouvelle fois l’abstention.

 Pour notre part, nous considérons que s’il est binôme républicain, c’est celui qui allie parité et pluralisme. Pour ce faire, il n’y a qu’un mode de scrutin possible : le scrutin de liste à la proportionnelle. Ce mode de scrutin, mis en œuvre pour toutes les autres élections locales – régionales et municipales –, envisagé partiellement pour les élections législatives, devrait être également instauré, selon nous, pour les élections cantonales.

 Ce choix du Gouvernement constitue enfin une erreur grave pour l’aménagement du territoire. Il traduit une nouvelle fois une volonté d’accompagner la concentration des moyens autour des grandes aires urbaines, avec comme seule ligne directrice d’insérer ces « territoires sélectionnés » dans la compétition internationale au détriment d’une égalité territoriale toujours pensée comme un enjeu archaïque. Les fractures territoriales n’en seront qu’aggravées. Car chacun sait qu’en ces temps de vaches maigres, avec la baisse des dotations, ce sont les territoires ruraux qui subiront les premières conséquences de ces choix politiques !

 

Chronique publiée dans le journal La Terre.

 

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