Ouvrir un autre chemin à gauche
Depuis le début de ce quinquennat, l’électorat de gauche, celui qui a porté le Président de la République au pouvoir, se sent trahi. Il a exprimé le rejet de la politique conduite en s’abstenant massivement aux municipales. C’est une grande colère, pour ne pas dire un rejet total de tout un système politique, qui a été exprimée par les électeurs qui avaient nourri des espoirs de changements en 2012. Il y a là plus qu’un malentendu : une terrible rupture avec les attentes populaires. Aucune réponse n’est apportée à la souffrance sociale, à la détresse économique, au déclassement des citoyens.
Plus que jamais, il est aujourd’hui de la responsabilité des forces de gauche d’ouvrir une nouvelle alternative à gauche. Ce que veulent les Français, dans leur majorité, c’est un changement de cap net et clair en faveur du progrès social et de la lutte contre le chômage. Ce chômage qui ne cesse de grimper avec un record de 3,34 millions de demandeurs d’emploi sans activité recensés fin février.
Les Français ne veulent plus de la renonciation, des promesses trahies, de l’impuissance publique organisée, des égarements et reculades dictés par la finance et des calculs à court terme. La situation de notre pays requiert une grande détermination pour répondre aux besoins populaires. Ces besoins, nous les connaissons tous : l’emploi, le pouvoir d’achat, le logement, la santé, les services publics. La dérive politique qui conduit à mettre ses pas dans ceux de Gerhard Schröder et de Tony Blair doit prendre fin. Sans changement politique, le nouveau gouvernement sera, lui aussi, condamné à l’impuissance, sans porter de nouvel espoir pour le peuple et pour le pays. Il y a urgence à agir pour redonner du souffle à notre économie, combattre les inégalités, développer nos services publics, défendre notre modèle social.
Mais le premier défi à relever pour engager la gauche sur un chemin d’espoir, c’est celui d’une réorientation de la politique européenne, sans laquelle le changement ne sera pas envisageable. L’adhésion de François Hollande au pacte Sarkozy-Merkel est l’acte fondateur, le péché originel de ce quinquennat. Candidat, il s’était pourtant engagé à renégocier le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, le TSCG. Ce renoncement a empêché d’emblée la réalisation du « changement » promis pendant la campagne présidentielle. Il n’y a eu ni renégociation, ni changement, mais bien continuité avec un projet européen qui n’est plus qu’un simple programme d’austérité.
Aujourd’hui, une grande partie des peuples européens refuse les politiques d’austérité inhumaines qui leur sont imposées. En Grèce, en Espagne, en Italie, les mobilisations populaires grandissent pour rejeter ce corset de l’austérité qui aggrave chaque jour la spirale de misère imposée aux peuples. Ils jugent légitimement intolérable que l’on trouve toujours des milliards pour financer les banques alors que la population est mise au pain sec et à l’eau.
Ce n’est qu’en convaincant les forces de gauche de la nécessité de rompre avec la politique de stagnation et de chômage poursuivie aveuglément à l’échelle du continent que nous pourrons concrétiser cet autre chemin en France. Pas à la marge, mais avec des mesures fortes rompant avec la stratégie de soumission aux dogmes budgétaires libéraux. Il est encore temps de rebattre les cartes, de changer radicalement de stratégie.