Paraboles politiques et fêtes de famille
Fête chrétienne réunissant les croyants autour de la crèche et de la naissance de Jésus, mais aussi fête païenne du solstice d’hiver héritée de la Rome antique, Noël a le grand mérite d’être propice aux échanges et rencontres… Plus largement, les fêtes de fin d’années retissent de liens qui s’effilochent parfois dans le tourbillon du quotidien. Elles se prêtent aussi aux discussions politiques en famille ou entre amis.
Les chrétiens savent que la parole religieuse illustre souvent son enseignement de paraboles issues de livres saints. Quant à la parole politique, elle se nourrit bien souvent aussi de paraboles, mais qu’elle tire généralement du vécu quotidien. J’en donnerai deux exemples, d’inspiration sportive, en guise de chronique de fin d’année.
Ce jeudi 19 décembre, avant de prononcer mon dernier discours de la session à la tribune de l’Assemblée pour confirmer l’opposition des députés du Front de gauche au projet de loi de finances pour 2014, je pensais à une intervention, en forme de parabole, de notre collègue Gaby Charroux, député des Bouches-du-Rhône, durant nos journées parlementaires de septembre dernier : « Dans un match de rugby, quand l’arbitre s’interroge pour accorder ou non un essai, il fait appel à la vidéo : y a-t-il une raison, une seule raison, pour ne pas accorder l’essai ? Je pose aujourd’hui la question : y a-t-il une raison, une seule raison, pour que nous votions ce budget ? Il n’y en a pas. Donc, nous ne devons pas le voter ! ». C’est ce que nous avons fait, bien évidemment, au regard d’un projet de budget 2014 indigne de la gauche.
Quelques jours avant, j’avais eu un échange, animé comme toujours, avec l’ancien Président de groupe communiste de notre Assemblée, Alain Bocquet, député-maire de St-Amand-les-Eaux, sur les difficultés de notre Parti à donner du sens à son orientation politique. Il m’a fortement ébranlé en usant, lui-aussi, d’une forme de parabole : « J’assistais à un match de notre équipe de basket féminine de St-Amand. Un match à l’extérieur, mais que nous ne devions, que nous ne pouvions pas perdre. Nous l’avons pourtant perdu… A mon interrogation sur les raisons de cet échec, l’entraîneur a eu cette réponse : normal, les filles n’ont pas joué leur jeu ! ». Et l’ami Bocquet de préciser : « Au basket, on joue son jeu et on n’essaie pas de copier celui des autres… c’est comme en politique ! ». Il illustrait ainsi les conséquences du repli sur une radicalité politique stérilisante, conduisant au « coup de balai » pour exprimer sa colère, mais à l’opposé de la vocation même du Parti Communiste Français, qui est de rassembler sur des objectifs progressistes, inlassablement, par une construction au quotidien avec les citoyens, pour changer concrètement leurs conditions d’existence.
J’aurais pu ajouter, pour avoir moi-même pratiqué le basket, qu’un bon pivot, même sublimant le jeu, ne suffit pas à faire une bonne équipe. Surtout quand il ramène tout à sa personne, ne pensant qu’à lui-même et aux applaudissements que sa virtuosité peut déclencher. Mais je n’ai évidemment pas formulé cette observation : elle aurait pu être interprétée comme étant la mise en cause d’un leader politique talentueux qui chante avec nous l’Internationale à la fin des meetings du Front de gauche, et notamment son deuxième couplet : « Il n’est pas de sauveur suprême. Ni Dieu, ni César, ni tribun ».
Bonne fêtes de fin d’année à tous… et bons débats politiques ! Avec un conseil cependant, qui bien sûr n’a rien à voir avec l’avenir du Front de gauche : évitons de nous disputer en famille, les blessures ont alors beaucoup trop de mal à se cicatriser.
Chronique publiée dans le journal La Terre.