Pour un service public unifié du transport ferroviaire
Le gouvernement avait affiché, dès l’automne 2012, sa volonté de réformer le système ferroviaire national, d’en restaurer la viabilité économique et de mettre un terme aux effets désastreux de la séparation intervenue en 1997 entre SNCF et RFF. Le constat des dysfonctionnements et de la dégradation du service rendu aux usagers a mis en relief l’urgence et la pertinence de rétablir un service public réunifié. Mais si le projet de loi discuté cette semaine a bien l’ambition d’un service public renforcé, mieux piloté par l'État et sous le contrôle de la nation, il n’a pas répondu à l’objectif partagé du grand service public ferroviaire dont notre pays a besoin. Rejetant la création d’une entreprise totalement intégrée, unique, sous le label SNCF, la grande réforme ferroviaire attendue par les usagers et les cheminots se limite à une reconfiguration qui ne règle pas la question de la scission entre deux entités. Si cette réorganisation peut satisfaire Bruxelles, je suis persuadé qu’elle ne permettra pas de résoudre les difficultés que chacun constate. La lutte des cheminots n’a donc rien de corporatiste. Elle est au contraire marquée par la défense de l’intérêt général.
D’autant plus que le projet de loi ne prend pas en compte un point essentiel : le remboursement de la dette du système ferroviaire, dont le montant dépasse les 40 milliards d’euros. Faute de nouveaux moyens de financement, la SNCF devra rechercher en interne des économies sur l’emploi, les salaires et les conditions de travail, mais aussi en matière de financement de la rénovation de l’infrastructure et de développement du réseau.
Il est certes indispensable que notre pays légifère avant le quatrième « paquet ferroviaire » européen. Mais cette réforme doit traduire la volonté politique de s’extraire du carcan programmé de l’ouverture à la concurrence. Il est frappant à cet égard de constater que rien n’a été proposé en matière de développement du Fret ferroviaire afin de remédier aux conséquences désastreux d’une mise en concurrence contraire à l’intérêt général. Le nombre de tonnes de marchandise transporté par le fer a été divisé par deux en dix ans, la part du ferroviaire est passée de 17 % à 9,6 % tandis que celle de la route atteint aujourd’hui 83.6 %, avec toutes les nuisances sociales et environnementales que cela induit. Il est impératif de corriger ces évolutions, de relancer le fret, de développer le report modal, de ne pas permettre non plus que le transport de voyageurs suive les mêmes évolutions. Le recul des trafics est déjà une réalité, non seulement dans le fret mais désormais aussi dans les services voyageurs. Alors qu’il affiche l’ambition d’assurer l’avenir du service public ferroviaire, comment le projet de loi peut-il rester silencieux sur ces sujets ?
Les députés du Front de gauche partagent le souhait des cheminots de rebâtir un service public efficace, qui puisse reposer sur un financement adapté, sans le recours aux externalisations et à la sous-traitance. Nous sommes animés de la même volonté : faire du transport ferroviaire un grand service public à même de répondre aux besoins des populations et de relever les défis sociaux et environnementaux de demain. C’est le sens de la lettre des cheminots. C’est aussi le sens de notre engagement dans ce débat parlementaire pour répondre aux objectifs affichés.