Réforme territoriale : l’exigence d’un grand débat public !
En revenant une nouvelle fois dans cette chronique sur les conséquences du projet de réforme territoriale, mon souhait est avant tout de maintenir une vraie réflexion sur les conséquences à venir de choix politiques qui défigureraient durablement notre pays. Car, faut-il le répéter, cette réforme s’inscrit d’abord dans une volonté de façonner la République pour la rendre compatible avec les projets libéraux d’une Europe des régions, d’une Europe fédérale aux nations morcelées. Ces orientations sont lourdes de dangers. Elles dépassent largement les politiques de décentralisation menées depuis 1982. Avec cette réforme, c’est ni plus ni moins que la fin de la démocratie locale, par l’éloignement des élus et des centres de décisions des citoyens. Alors que nous ressentons dans nos rencontres avec la population un besoin grandissant de proximité et de rapprochement des élus et des citoyens, le redécoupage des régions et la suppression des départements accentueront le sentiment d’abandon dans les territoires.
Cette réforme, présentée comme une nouvelle étape de la décentralisation, cache aussi, en réalité, une recentralisation des pouvoirs, qui seront articulés autour de treize grandes régions et quelques grandes métropoles, conformément, une fois encore, aux politiques libérales de l’Europe actuelle. En cisaillant de la sorte nos régions, ce sont des pans entiers de nos territoires qui seront délaissés pour favoriser les zones les plus riches sur le plan économique. La nouvelle carte territoriale qui se dessine suscite en nous une inquiétude très grande. L’essentiel des richesses – entreprises, universités, centres de recherches – sera concentré au cœur des métropoles et soutenu par la puissance publique régionale. Les entreprises s’y livreront une compétition sans merci, tandis que nos territoires ruraux seront progressivement délaissés et voués aux reculs économiques et sociaux.
L’argument du mille-feuille territorial auquel prétend s’attaquer le Gouvernement, argument martelé sur toutes les ondes, n’est qu’un alibi pour confisquer les pouvoirs locaux et éloigner les centres de décision de nos concitoyens. Pour la première fois, le Président de la République s’est fixé pour but la disparition des communes en déclarant : « L’intercommunalité deviendra la structure de proximité et d’efficacité de l’action locale. » À terme, un autre échelon essentiel des institutions républicaines, le conseil général, sera aussi supprimé. Dans un premier temps, il est appelé à être vidé de ses compétences. C’est pourtant l’indispensable échelon intermédiaire de proximité, incontournable pour faciliter et porter des logiques de projet sur la base d’une connaissance fine de son territoire, par le maillage que ses services ont construit et par l’ancrage de ses élus sur le terrain.
Au regard de l’ampleur de ce séisme institutionnel, le pire serait de renoncer à imposer un véritable débat public dans le pays. « Pas de changement de nos institutions démocratiques sans démocratie ! » C’est l’appel que relaie notamment l’Association nationale des élus communistes et républicains. C’est cet appel à engager enfin le débat public qu’il nous faut renouveler dans les semaines et mois qui viennent pour faire reculer le Gouvernement dans son passage en force.