Retraites agricoles : de nouvelles ressources sont indispensables
« Améliorer les petites pensions des non salariés agricoles ». Voilà une promesse que des dizaines de milliers de nos aînés, souvent des femmes seules, entendent depuis longtemps dans nos campagnes françaises. Pour celles et ceux qui ont travaillé la terre toute une vie durant, parfois sans reconnaissance, les 500 à 600 euros mensuels de pension qu’ils reçoivent constituent une injustice inacceptable dans une société plus riche que jamais, où leur travail a largement servi à constituer la richesse de grands groupes de l’agroalimentaire, de l’agrofourniture, du secteur bancaire et assurantiel.
« Améliorer les petites pensions des non salariés agricoles ». C’est le titre du chapitre IV du projet de loi de réforme des retraites. Il vise ainsi à répondre aux engagements de campagne du Président de la République, qui déclarait vouloir porter, d’ici la fin du mandat, « à 75 % du SMIC le montant minimal des pensions pour une carrière complète d’agriculteur. » Si le texte comporte bien des avancées, notamment en termes d’extension des bénéfices de la retraite complémentaire obligatoire des non salariés agricoles (RCO) et de sa réversion, et par la création d’un complément différentiel de retraite complémentaire, il ne permet pas en l’état de répondre aux besoins urgents des personnes aux plus faibles pensions, et les plus en souffrance. Pour une carrière complète, le Gouvernement justifie aussi sa proposition en arguant que les chefs d’exploitation auraient en 2017 une retraite de 830 € par mois, plus élevée que le seuil de pauvreté français, estimé à 803 € par mois. Mais cet objectif resterait largement inférieur au seuil européen, fixé à 60 % du revenu médian, soit 903 euros. L’exigence portée par les députés du Front de Gauche d’une retraite au moins égale à 85 % du SMIC ou 1000 euros pour toutes et tous n’est-elle pas une simple mesure de justice ?
Ce constat de fond sur l’insuffisance des pensions proposées aux agriculteurs se double aussi d’une curieuse omission. Alors que, comme les précédents, ce projet de loi entend garantir le financement durable des régimes de retraite, voilà que pour le volet agricole, on omet sciemment de parler de nouvelles ressources. Le régime des exploitants agricoles est pourtant structurellement déficitaire. En effet les cotisations du régime agricole ne couvrent que 20 % des dépenses engendrées par l’ensemble des prestations, et seulement 13 % des prestations de la branche vieillesse compte tenu de la structure démographique de la population agricole, avec près de 25 % d’exploitants perdus en 10 ans, et du niveau de leurs revenus. Dès lors, la question des ressources n’est-elle pas prioritaire alors que les financements complémentaires de ce régime proviennent d'autres régimes de sécurité sociale et de taxes et impôts spécifiques ? Pour financer le régime par répartition des agriculteurs, comme pour les salariés du régime général, des solutions existent. Il s’agit notamment de mettre à contribution de solidarité vieillesse, les revenus financiers et les bénéfices des grandes sociétés de l’agroalimentaire, de l’agrofourniture, de la grande distribution, et des banques et assurances directement liés au monde agricole, tout en favorisant une réelle politique de maintien des actifs en agriculture. Des propositions que les députés du Front de Gauche porteront dans le débat sur ce volet agricole du projet de loi.
Chronique publiée dans le journal La Terre.