Retrouver la voie des « Jours Heureux »
Les députés ont célébré le 70ème anniversaire du Conseil National de la Résistance (CNR). C’est en effet le 27 mai 1943, à l'initiative de Jean Moulin, que se sont unis tous les mouvements de résistance intérieure à l'occupation allemande, ainsi que six partis politiques et des syndicats. De cette réunion clandestine est né le Conseil National de la Résistance, afin de soutenir le général de Gaulle et préparer la reconstruction de la France après la guerre.
Dix mois plus tard, le programme du CNR était adopté. Il a constitué le socle de toutes les grandes avancées sociales et économiques mises en œuvre à la Libération. On oublie trop souvent la portée émancipatrice et transformatrice de ce programme, intitulé « Les Jours Heureux », qui se retrouve largement dans le préambule de la Constitution. Quelques passages de ce texte fondateur suffisent à comprendre pourquoi il cristallise encore aujourd’hui toutes les attaques des libéraux : « l’instauration d’une véritable démocratie économique et sociale, impliquant l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie » ; « le retour à la Nation des grands moyens de production monopolisés, fruit du travail commun, des sources d’énergie, des richesses du sous-sol, des compagnies d’assurances et des grandes banques » ; « un rajustement important des salaires et la garantie d’un niveau de salaire et de traitement qui assure à chaque travailleur et à sa famille la sécurité, la dignité et la possibilité d’une vie pleinement humaine » ; « l’élévation et la sécurité du niveau de vie des travailleurs de la terre par une politique des prix agricoles rémunérateurs »…
Ce mardi 28 mai 2013, plutôt que de me limiter à célébrer le courage et la clairvoyance de nos aînés, j’ai souhaité interpeller le Premier ministre sur l’actualité de ce programme, et sur le besoin de prolonger aujourd’hui son action. Car cette portée émancipatrice a été sérieusement mise à mal, résultat de plus de trente ans de politique élaborée sous la pression du capitalisme financier et sur fond de démission vis-à-vis de l’Europe libérale. Bien sûr, la destruction méthodique du programme du Conseil national de la Résistance s’est accélérée sous la présidence de Nicolas Sarkozy.
A l’heure où notre société souffre des choix d’un capitalisme prédateur, qui frappe chaque jour de nouvelles familles, les Françaises et les Français veulent retrouver des motifs d’espérer. Ils attendent de leurs gouvernants courage et détermination pour les mettre à l’abri du besoin et en finir avec les angoisses du lendemain, comme le proclamait devant l’Assemblée nationale Ambroise Croizat, ministre communiste du travail de 1945 à 1947, lors de la mise en place de son plan de sécurité sociale, issu du programme du CNR.
Je rappelais aussi au Premier ministre que « la voie des Jours Heureux n’est pas celle de la loi, dite de sécurisation de l’emploi, qui précarise les salariés […] ni celle de la réforme annoncée de notre système de retraite et l’allongement des cotisations. La voie des Jours Heureux n’est pas davantage celle du renoncement au plafonnement des salaires des grands patrons. »
Bien au contraire, toutes ces mesures vont à rebours de l’esprit qui animait le programme du Conseil national de la Résistance. Bien au contraire, la fidélité à ce programme et à ses valeurs implique de résister au diktat de l’argent. Le Gouvernement y est-il prêt pour renouer avec l’audace qui animait les artisans du programme du Conseil national de la Résistance, le programme des « Jours Heureux » ?
Chronique publiée dans le journal La Terre.
Question au Gouvernement - mardi 28 mai 2013
Héritage du Conseil national de la Résistance