Sans rupture avec le libéralisme, quel avenir pour l’agriculture ?
Après les agapes des fêtes de fin d’année, les députés ont entamé cette semaine l’examen du projet de loi d’avenir pour l’agriculture et la forêt. Un projet de loi que le Gouvernement décrit comme ambitieux, et qui est censé répondre à « l’objectif de renouvellement des générations » pour l’agriculture française. Comme je l’ai dit ce mardi à la tribune, l’essentiel des mesures présentées vont bien dans la bonne direction, mais elles restent souvent insuffisantes. Qu’il s’agisse des mesures concernant la protection du foncier agricole, ou celles sur la maîtrise des pesticides et produits pharmaceutiques, nous partageons l’idée que ces questions sont au centre de l’enjeu du « produire autrement ». Cependant, la mise en œuvre de ce texte peinera indéniablement à infléchir les grandes tendances structurelles de l’agriculture européenne et nationale.
L’Europe comme la France vient en effet de perdre 25 % de ses exploitations agricoles et de ses actifs agricoles en seulement dix ans. Dans le même temps, pour les 500 millions d’Européens, la question alimentaire redevient une préoccupation centrale, en lien direct avec les conséquences de la crise financière, la perte d’emplois et de revenus, et l’explosion de la précarité. Une analyse territoire par territoire conduirait même à démontrer que des populations entières en Europe sont désormais touchées par la sous-alimentation et la malnutrition, comme c’est le cas d’un pays comme la Grèce. Partout les politiques d’austérité font des ravages, y compris sur la satisfaction d’un besoin primaire de l’humanité : se nourrir. En disant cela, je ne cède pas à une forme de catastrophisme. Je parle d’une réalité. Celle d’une Europe, qui, au lieu de regarder les conséquences politiques du libéralisme, se complet à proposer une nouvelle politique agricole avec des yeux tournés vers le passé. Je dirais pour imager que la Commission européenne et nombre de chefs d’Etat et de gouvernement renouvellent la PAC avec les mêmes réflexes qu’en 1992. Certains rêvent d’ailleurs toujours de la liquider, tant ils sont aveuglés par les sirènes de la finance.
Pour les députés du Front de gauche, c’est un constat bien amer, alors que l’initiative et la construction historique de la PAC fut longtemps le symbole d’une Europe politique, qui sait se doter de moyens suffisants pour atteindre des objectifs alimentaires au service de tous.
Un constat partagé par nombre d’organisations paysannes et d’intellectuels spécialistes des questions agricoles et alimentaires. Aussi, dès l’ouverture de ce débat, j’ai lancé cet appel : n’oublions pas le fond ! Soyons réalistes : sans rupture avec les politiques de libéralisation et d’abandon des outils de régulation et d’encadrement des marchés, les inflexions et propositions novatrices que nous adopterons pour l’agriculture française n’auront que peu de portée. De même, si nous continuons de laisser de côté la question centrale de la répartition de la valeur ajoutée, la question des revenus et des prix pour les producteurs, nous n’infléchirons pas les tendances à l’œuvre. Il nous faut avant tout poursuivre et gagner un véritable changement de cap de la politique agricole européenne. Ce texte aurait dû servir de point d’appui pour pousser cette autre ambition européenne. Mais il ne le fait pas. C’est l’orientation de fond que je porte dans ce débat parlementaire comme porte-parole des députés du Front de gauche. Avec un objectif immédiat : essayer, malgré tout, d’améliorer son contenu.
Chronique publiée dans le journal La Terre.
Projet de loi d'avenir pour l'agriculture et la forêt
Intervention générale - Mardi 7 janvier 2013