Un débat de fond pour élargir le Front
Nous constatons jour après jour la fuite en avant des dirigeants européens face à la crise de la dette publique en Europe. En fait, l’objectif n’est pas nouveau : conforter un euro « fort », avec une BCE au service de la domination des marchés financiers. Cela ne fait qu’accentuer le plongeon économique de l’Union Européenne et le malheur social des Européens. Ainsi, malgré l’ébranlement des dogmes libéraux, les gouvernements continuent à répondre sans dévier aux exigences des capitaux financiers. Une fois encore, ils choisissent de faire payer l’addition aux peuples en imposant de nouveaux reculs aux services publics et à la protection sociale. Terrible constat ! Et que de souffrances et angoisses constatées au quotidien !
Dans ce contexte, il n’est pas étonnant que les luttes sociales qui ont animé notre pays durant tout l’automne, comme celles qui se multiplient en Europe et dans le monde, dépassent largement le seul cadre de la contestation contre les reculs sociaux imposés par les différents gouvernements libéraux ou sociaux-démocrates. Le mouvement social se construit désormais avec des exigences qui vont au-delà des revendications légitimes sur le droit à la retraite, à un travail et à un salaire décent, à une protection sociale à la hauteur de ses besoins… Sous des formes multiples, ces luttes interrogent aujourd’hui les fondements même du système économique, ses objectifs et plus globalement sa pertinence au regard de l’avenir de l’humanité. En cela, elles expriment le besoin de construire une autre société, de tracer des voies vers une autre vie. Pour cela, elles associent de plus en plus clairement aux revendications sociales immédiates l’exigence des moyens financiers et des pouvoirs nécessaires à la visée d’une autre civilisation.
Parmi les slogans qui agitaient les cortèges en France, qui n’a pas entendu ces mots : « de cette société-là, on n’en veut pas ! » Que voulons-nous donc ? Que voulons-nous, sinon que la gauche change pour construire cette autre société que nous sommes de plus en plus à désirer ? Voilà la question que se pose le Front de Gauche et qu’il traduit avec sa volonté d’élaborer un programme populaire et partagé pour 2012. Voilà surtout la question centrale que nous devons mettre en débat auprès de toutes les Françaises et de tous les Français.
Quelles sont les exigences fondamentales des travailleurs pour le XXIème siècle et qui doivent se concrétiser dès demain ? Quelles activités et modes de production promouvoir ? Quels nouveaux pouvoirs garantir à ceux qui vivent au quotidien les conséquences du culte de l’argent-roi ? Sur tous ces sujets, et sur bien d’autres, n’ayons pas peur de mettre, dans les mois à venir, partout où cela est possible, nos concitoyens en situation de faire part de leur constat, en situation de débattre et d’expérimenter des propositions en relation avec leurs attentes. Nous verrons sans doute si une approche économique ne consistant qu’à s’attaquer aux effets les plus négatifs du capitalisme mondialisé ou qu’à se limiter à un renforcement du rôle de régulation de l’Etat leur paraît à la hauteur des enjeux de ce siècle.
Ce débat, il doit porter bien évidemment sur les contenus et l’ampleur que nous voulons donner à la transformation sociale.
Les communistes sauront faire part des propositions essentielles qu’ils ont à cœur de partager pour la transformation sociale, du niveau local jusqu’au niveau mondial : l’avancée vers un système de sécurité d’emploi ou de formation pour chacun-e, la mise en place d’une politique du crédit articulant Fonds publics régionaux et pôle financier public national à une réorientation de la BCE ; un essor sans précédent des services publics ; l’introduction, à l’appui des luttes populaires, de nouveaux critères de gestion des entreprises avec de nouveaux pouvoirs pour les salariés ; une nouvelle politique de coopération pour le co-développement à l’échelle internationale.
Je pense, à ce propos, à la question déterminante des perspectives industrielles que nous comptons donner à notre pays. L’économie française a détruit près de 2 millions d’emplois industriels depuis 1980. Cette situation, entretenue par la libéralisation du commerce international et la course à la rentabilité financière, disloque progressivement l’essentiel des capacités d’innovation, délocalise les entreprises, gâche les savoir-faire, répand la gangrène boursière contre l’emploi, le travail et la démocratie. Sur de telles bases, l’essor des activités de service ne peut se faire qu’au rabais. Face à ce non-sens économique, social et environnemental, nous devons, là-aussi, faire confiance aux Françaises et aux Français pour savoir s’ils préfèrent se laisser étourdir par les chants des sirènes de la finance, ou s’ils veulent se saisir d’une nouvelle ambition industrielle et de services porteuse de progrès social et écologique.
Nous le voyons, pour porter pied à pied, et matérialiser cette autre vie, pour lui donner une réalité concrète notamment en appui des luttes des salariés, c’est maintenant que nous avons la responsabilité de développer, voire d’ouvrir, sans exclusive, un débat de fond dans tout le pays.