Le Gouvernement persiste dans son approche sécuritaire et autoritaire de la gestion de crise

Publié le par André Chassaigne

 Malgré les oppositions multiples, le Gouvernement persiste dans son approche sécuritaire de la gestion de crise et pérennise le choix d’une politique autoritaire : prorogation du cadre juridique de l’état d’urgence ; prorogation du régime transitoire de sortie de l’état d’urgence ; prorogation de la possibilité de mobiliser le passe sanitaire ; prorogation des dérogations au secret médical. Vous vous obstinez à vouloir conserver « quoi qu’il en coûte » pour notre État de droit des pouvoirs d’exception attentatoires aux libertés fondamentales et ce, jusqu’au 31 juillet 2022.

 Le mandat d’Emmanuel Macron s’achèvera donc sous un régime qui se soustrait au processus démocratique habituel, régime d’exception qui ne s’achèvera pas à la fin du mandat – quelle inconscience ! ; un régime dans lequel le Président de la République, dans le huis clos du conseil de défense, prend les principales décisions qui sont ensuite traduites dans des décrets du Premier ministre ; un régime qui renforce considérablement les prérogatives de l’exécutif, accentue le déséquilibre du fonctionnement de la Ve République et transforme toujours plus le Parlement en chambre d’enregistrement ; un régime dans lequel sont mis en sommeil le débat démocratique et le contrôle de l’action du Gouvernement !

 Dans ce contexte, nous réitérons notre ferme opposition à la banalisation de l’état d’exception. Nous alertons depuis des mois sur le risque bien réel de pérennisation de ce mode de gestion.

 Gardons en mémoire, chers collègues, qu’à la suite des attentats terroristes de 2015, l’état d’urgence sécuritaire a duré vingt-quatre mois et que s’il a pris fin avec vous, le 1er novembre 2017, c’est lorsque les dispositions héritées de l’état d’urgence ont été intégrées au droit commun par la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme.

 Le Conseil d’État rappelle à cet égard, dans son étude annuelle 2021, que « sur les six dernières années, la France en aura passé la moitié en « état d’urgence » au point que nous pouvons nous demander si nous vivons perpétuellement en crise ou si ce cadre juridique est en voie de devenir un mode de gouvernement banalisé ». Dans le même sens, dans son avis du 5 octobre dernier, le Conseil scientifique tient à alerter sur le risque d’une « banalisation du passe sanitaire et des mesures de contrôle associées » alors que la situation est apaisée.

 Aussi réaffirmons-nous solennellement notre opposition à cette énième demande de prorogation de dispositifs d’exception disproportionnés au regard de la situation sanitaire actuelle.

 Vous nous dites que le contexte demeure incertain.

 Nous vous répondons que nous ne sommes plus démunis face à la pandémie et que la poursuite de mesures d’exceptions ne se justifie pas. La vaccination massive nous rapproche de l’immunité collective : 86 % de la population de plus de 12 ans est désormais vaccinée, comme 73,6 % de la population totale. Un large éventail d’outils est désormais disponible pour vivre avec le virus : gel hydroalcoolique, masques, gestes barrières, télétravail et j’en passe. Le virus est mieux connu scientifiquement et des traitements antiviraux actifs par voie orale contre le SARS-CoV-2 sont en cours de développement. J’ajoute que la meilleure façon de nous protéger contre le virus est de poursuivre la campagne vaccinale au plus près du terrain, en prenant en considération les inégalités territoriales dans l’accès aux soins. 

 Cela, sans sous-évaluer la méfiance vis-à-vis de la parole publique. Dans les territoires d’outre-mer, où l’épidémie est la plus forte, où les systèmes de santé sont les plus fragiles, où le taux de vaccination est le plus faible, l’État n’est pas à la hauteur. Ses propos moralisateurs et condescendants n’ont fait qu’envenimer la situation. 

 Enfin, les élections présidentielle et législatives et la clôture de la session parlementaire ne sont pas des arguments recevables pour proroger un régime dérogatoire du droit commun jusqu’au 31 juillet 2022. Le Parlement est en mesure de se réunir en urgence à tout moment. Il n’est donc pas question de délivrer un blanc-seing.

 Dans la période électorale qui s’annonce, la démocratie ne peut être mise entre parenthèses pour des raisons de confort et d’agenda politique. Déterminés, nous voterons résolument contre ce projet de loi. Malheureusement, en écoutant le rapporteur et les orateurs de la majorité, nous venons à nouveau de faire le constat que l’absence de colonne vertébrale pouvait rendre fier mais qu’elle n’empêchait pas de ramper.

 Quand donc comprendrez-vous, chers collègues, comme disait Victor Hugo, que « la nuit peut se faire aussi dans le monde moral, et qu’il faut allumer des flambeaux pour les esprits » ? Il n’est pas trop tard, pour vous, de rallumer les flambeaux de la démocratie. 

 À défaut, nous saisirons, bien évidemment, le Conseil constitutionnel. 

 

Explication de vote prononcée au nom des députés communistes lors de la lecture définitive du projet de loi portant diverses dispositions de vigilance sanitaire le 5 novembre 2021.

Toutes mes interventions sur la gestion de la crise sanitaire sont accessibles ici. 

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