L'exigence de bâtir une véritable stratégie de reconquête du service public
Madame la présidente, messieurs les ministres, madame la secrétaire d’État, chers collègues, il faut se rendre à l’évidence, des millions de nos concitoyens ont le sentiment de vivre aujourd’hui une situation de relégation sociale et territoriale. Ils vivent dans des secteurs urbains, périurbains et ruraux, des territoires où l’égalité républicaine n’est plus respectée.
De principe fondateur et régulateur de notre pacte social, notre égalité républicaine est désormais regardée comme un slogan qui sonne creux. Il faut mesurer combien la colère grandit, alimentant le rejet de nos institutions.
Cette situation d’une extrême gravité devrait mobiliser le pays tout entier, les élus politiques que nous sommes, le Gouvernement… Au lieu de quoi nous restons dans l’incantation. Les initiatives se multiplient, mais les crédits ne suivent pas. La politique des territoires à laquelle est rattachée depuis 2015 la politique de la ville affiche des moyens bien plus modestes que ses ambitions.
Alors que nous annonçons un nouveau programme de renouvellement urbain, les crédits de la politique de la ville continuent à se réduire. Ils ont ainsi chuté de 16 % depuis 2014, passant de 496 millions d’euros à 416 millions d’euros pour 2017.
Dans nos campagnes, afin de garantir l’égalité d’accès aux services pour tous, le Gouvernement s’est certes fixé l’objectif d’implanter 1 000 maisons de services publics d’ici à la fin de l’année 2016, en s’appuyant en particulier pour la moitié sur un plan de partenariat avec La Poste. Ce projet se veut une tentative pour réparer la casse des services publics opérée par la droite sous les deux précédents quinquennats. Pourtant, ces mesures restent le paravent d’un recul généralisé des services publics de proximité, qui se matérialise dans la fermeture de postes de plein exercice, de trésoreries, de guichets SNCF, voire de petites gares, de gendarmeries et j’en passe.
D’un outil pertinent pour les plus petites communes, nous sommes passés à la normalisation d’une forme de service public intermittent sur des territoires toujours plus vastes, qui laisse aux habitants des zones rurales le sentiment d’être méprisés.
Prenons le cas de La Poste. Nous assistons à une accélération de la réduction du réseau postal, et cela en tous points du territoire. La Poste a pourtant bénéficié en 2015 de plus de 350 millions d’euros de crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. Le service universel de la distribution du courrier, l’accessibilité bancaire, la présence postale sur l’ensemble du territoire sont des missions fondamentales de La Poste. Elles le sont d’autant plus dans un contexte marqué par l’explosion de la pauvreté et la permanence des besoins de proximité.
Ces missions de service public sont aujourd’hui directement menacées par des logiques de rentabilité financière de court terme. Au nom de l’adaptation du réseau aux contraintes économiques, les fermetures s’accélèrent dans le monde rural et désormais aussi dans les villes.
Je pourrais également évoquer le manque cruel de médecins en milieu rural et les difficultés rencontrées par les élus locaux non seulement pour rechercher de nouveaux médecins mais également, parcours du combattant, pour obtenir l’autorisation d’exercice lorsque les praticiens ne sont pas de nationalité française. Ainsi, le manque de médecins généralistes, pédiatres, gynécologues et ophtalmologistes ne cesse de s’accroître dans les territoires ruraux, en particulier dans mon département du Puy-de-Dôme.
Je souhaite aussi aborder le manque cruel d’accès au très haut débit que connaissent, non seulement les particuliers mais également les entreprises en milieu rural. Or cet accès devient incontournable pour une majorité d’entre elles. La qualité de l’accès à internet est également préoccupante. Nous sommes ainsi interpellés par des personnes ayant des gîtes ruraux qui ne peuvent pas faire de réservations, des représentants de la petite hôtellerie, des agriculteurs, qui doivent utiliser de plus en plus le numérique pour leurs déclarations multiples. Ils restent parfois des semaines sans accès à internet. C’est ça la réalité.
À l’ère du numérique, de tels dysfonctionnements à répétition entravent la vie économique.
Ces quelques exemples, que chacun d’entre nous pourrait malheureusement multiplier, soulignent, je le dis avec gravité, la nécessité de bâtir une véritable stratégie de reconquête du service public, dotée de grands moyens budgétaires. L’heure est grave. Il faut que les comités interministériels, les contrats de ville, les contrats de ruralité soient vraiment animés, au-delà des mesures d’affichage, par la volonté de répondre aux besoins concrets des populations plutôt qu’habités par le souci de rationner les dépenses.
Devant le constat alarmant que le développement équilibré des territoires et une politique de services publics ambitieuse ne comptent pas dans les priorités du Gouvernement, vous comprendrez à la fin de cette intervention que les députés Front de gauche du groupe de la Gauche démocrate et républicaine ne voteront pas les crédits de cette mission.
Intervention prononcée dans le cadre de l'examen des crédits de la mission "Politiques des territoires" du projet de loi de finances pour 2017.