Une exigence pour le climat : combattre le néolibéralisme !

Publié le par André Chassaigne

 Ces derniers jours, plusieurs appels de scientifiques et de personnalités ont relayé l’urgence d’agir pour une transition écologique et énergétique répondant aux enjeux pointés par le GIEC (Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat). Publiées à l’occasion de la COP 23 à Bonn, toutes ces déclarations s’appuient sur les dernières données particulièrement alarmantes en matière d’émissions mondiales de gaz à effet de serre. Toutes ont souligné le risque d’atteinte proche du point de non-retour pour respecter l’engagement de limitation de la hausse des températures globales à moins de 2°C d’ici 2100.

 Mais si le constat d’urgence à agir est désormais largement partagé, la nécessité d’une remise en cause des grandes orientations politiques et économiques qui dominent la planète ne semble toujours pas à l’ordre du jour. Dans ces contributions, aucun mot ne pointe les conséquences des politiques de libre-échange, les effets résultant de la financiarisation de nos économies et donc des choix de production de nos entreprises, les responsabilités particulières des grandes transnationales, les reculs et freins résultant des politiques d’austérité et d’une évasion fiscale qui assèche les moyens pour des politiques publiques efficaces… Ce refus de prendre en compte les responsabilités d’un système de plus en plus incompatible avec la poursuite de l’intérêt général climatique et humain n’est pas sans me rappeler ce que disait Héraclite : « Eveillés, ils dorment ».

 Pour ne plus s’attarder « à l’ornière des résultats », il y a urgence à ne plus être de simples somnambules avançant vers la catastrophe. Pour réussir à surmonter le problème écologique prioritaire de ce XXIème siècle, il faut avoir le courage d’assumer de très lourdes réorientations politiques, sociales et économiques.

 Les politiques de libre-échange se fondent sur la rentabilité financière et la recherche du moins disant social et environnemental. Contre-sens climatique !

 Les politiques d’accompagnement de la spéculation et d’accroissement des flux financiers privent nos entreprises de capacités de recherche et d’innovation. Par la fraude et l’optimisation fiscales, elles amputent les Etats de recettes indispensables au développement de services publics vertueux en matière de lutte contre les émissions de GES, comme par exemple dans le secteur des transports propres et urbains. Contre-sens climatique !

 Les politiques d’austérité et de contraction de la dépense publique, non seulement affaiblissent les effets de redistribution et de justice sociale permettant aux foyers de consommer mieux, mais elles tirent aussi vers le bas toutes les exigences environnementales des collectivités et des Etats, notamment dans les marchés publics. Contre-sens climatique !

 En laissant toujours plus le soin de régler l’enjeu climatique au seul marché et aux principaux agents économiques et financiers, dont nous ne connaissons que trop bien « l’éthique » climatique et sociale, nous avons le plus sûr moyen de nous écarter des objectifs de réduction prônés par le GIEC. Contre-sens climatique !

 Ne refusons donc pas de nommer les choses, de dénoncer cette soumission politique à la finance, si néfaste à notre efficacité en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. N’occultons pas le détournement des marchés carbone, la délocalisation des émissions des pays industrialisés dans les pays du Sud pour ensuite réimporter les productions, le démantèlement ou l’affaiblissement des outils indispensables que sont les services publics comme les transports collectifs, la perte de capacités en matière de recherche publique engendrée par les mesures d’austérité…  

 Amplifié par les égoïsmes d’Etat, le fossé grandit entre les effets d’annonce et les résultats concrets. Déjà bien visibles, les aberrations entre les objectifs et les moyens des politiques publiques doivent nous convaincre de la nécessité de réorientations politiques majeures. En Europe et en France, une véritable planification énergétique est devenue indispensable pour assurer l’atteinte des objectifs fixés lors de la COP 21 et pour aller au-delà. Cette planification doit s’appuyer sur un grand pôle public de l’énergie, disposant de moyens et de capacités à même de répondre aux objectifs de réduction des consommations énergétiques dans tous les secteurs, d’accompagner le renforcement de l’efficacité énergétique et le déploiement d’infrastructures adaptées, et de tenir le cap de la décarbonation de nos productions énergétiques avec une montée en charge des renouvelables. Et osons le dire aussi, l’efficacité de notre transition énergétique est conditionnée par l’engagement de moyens financiers massifs qui sont très loin d’être mobilisés actuellement : en faveur de la rénovation énergétique de l’habitat, en faveur de transports collectifs urbains dans toutes les agglomérations, en faveur de la décarbonation de l’ensemble de nos transports et notamment par le développement du transport ferroviaire laissé en jachère ces dernières années, en faveur du transfert de consommation finale d’énergie vers de l’électricité décarbonée. 

 Aussi, le débat de fond sur notre action en faveur du climat ne peut plus se contenter d’alertes généralistes ou de postures politiciennes. Assurer une transition énergétique rapide et socialement juste ne peut laisser de côté des questions politiques aussi essentielles que celles de la place de la maîtrise publique et sociale et des moyens financiers, techniques et humains à dégager pour assurer une trajectoire conforme aux objectifs fixés par les travaux du GIEC. Transition énergétique maîtrisée ou poursuite d’un capitalisme teinté de vert ? Seules les garanties d’efficacité doivent primer au regard de l’urgence pour l’humanité. Elles exigent un combat sans merci contre le néolibéralisme… et donc de sortir de l’impuissance des mots.

Une exigence pour le climat : combattre le néolibéralisme !
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M
Merci. Vous avez raison de dénoncer le néolibéralisme comme étant au principe de tous nos maux.
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