Loi "Travail" : intervention sur l’article 1er
Nouvelles libertés et nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s
Séance du mercredi 04 mai 2016
Suite de la discussion d’un projet de loi
Article 1er
Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.
M. André Chassaigne. Je ne reviendrai pas sur les propos tenus par de si nombreux collègues des rangs de la gauche, ces députés que je qualifierais de progressistes, mais je tiens à réaffirmer que vous commettez aujourd’hui une erreur historique gravissime, en opérant un recul qui fera sauter les digues difficilement construites tout au long de décennies de lutte sociale.
M. Jean Lassalle. Bravo !
M. André Chassaigne. Prenez-vous la mesure de cette régression historique ? Certes, vous l’habillez de mots dans vos discours, sans doute une résurgence de votre souffrance intérieure. Jean Vilar disait qu’au théâtre, l’habit fait le moine, mais nous sommes à l’Assemblée nationale. Les mots ne font pas le caractère progressiste d’une loi, même lorsque vous employez des mots-valises – « confiance », « souplesse », « plus favorable aux salariés », « renforcement des moyens syndicaux ». Votre argumentation est fallacieuse, en particulier lorsque vous placez votre texte dans la continuité d’autres lois votées depuis 2012, comme celle relative à la sécurisation de l’emploi. Comment pouvez-vous dire que désormais, seuls 8 % des plans de sauvegarde de l’emploi – PSE – sont contestés contre 25 % auparavant ? Vous savez bien que cette loi tendait justement à réduire la contestation auprès du juge judiciaire en accordant un rôle pivot aux directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, désormais chargées de valider un PSE. Dans ce contexte, le juge administratif ne peut plus être interrogé et le juge judiciaire n’a plus vocation à porter une appréciation sur la validation d’un PSE. Vous ne pouvez pas comparer.
Qui ignore, par ailleurs, les difficultés pour saisir le juge judiciaire ? Dans certaines entreprises, j’en connais une, les salariés disposent de deux mois seulement, parfois trois, pour bâtir le PSE, le signer, et permettre sa validation, sinon celui du patronat sera homologué.
Dans ces conditions, ne dites pas qu’il y a eu des progrès, et que le juge judiciaire est moins saisi. Tout simplement, la loi ne le permet plus comme auparavant.
Vous vous êtes également réclamée des lois Auroux ! Vous rendez-vous compte de ce que vous avez dit ? J’ai relu le compte rendu : « C’est précisément dans ce sillon, à la fois politique et culturel, que nous inscrivons aujourd’hui notre action avec fierté, détermination ». Vous ne pouvez pas dire cela car les lois Auroux consacraient justement la subordination de l’accord d’entreprise à l’accord de branche.
M. Marc Dolez. Bien sûr !
M. André Chassaigne. Ce n’est pas du tout pareil ! Ces lois reconnaissaient de surcroît le rôle primordial des délégués syndicaux, que vous préférez écarter au profit de personnes mandatées. C’était l’un de leur socle ! Ce n’est pas une continuité, mais une rupture historique.
M. Jean Lassalle. Très bien !
M. André Chassaigne. Vous devez le reconnaître, plutôt que de chercher à nous leurrer avec de grandes phrases, de grands mots, qui revêtent parfois une dimension pathétique tant vous y mettez de l’émotion. Mais cela ne suffira pas à masquer la réalité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur plusieurs bancs du groupe écologiste.)
M. Jean Lassalle. Bravo !