Mettre un terme aux politiques « de compétitivité » improductives
Curieusement, plus l’on annonce des milliards d’exonérations de cotisations patronales et de ristournes fiscales aux entreprises, plus la course à la désindustrialisation, aux restructurations et aux délocalisations semble s’accélérer. L’enjeu majeur du redressement industriel et productif, déterminant dans la lutte contre le chômage, est clairement vidé de toute réalité après deux années de suivisme des idéologues libéraux et des chantages du MEDEF. En continuant à réaffirmer que la baisse du coût du travail constitue l’alpha et l’omega de la politique de son gouvernement, le Premier ministre se garde de bien de revenir sur les causes profondes de la désindustrialisation du pays. Il ne dit pas un mot par exemple sur le coût du capital. Pas un mot sur ces près de 300 milliards ponctionnés chaque année sur la richesse créée par les dividendes, en augmentation constante, et les intérêts bancaires. Deux fois plus que les cotisations sociales !
Pourtant, les arguments qui font de la baisse des cotisations sociales un moyen de lever les freins à l’embauche, de créer ou de sauvegarder des emplois ne reposent sur aucun constat empirique. Vingt ans d’exonérations de cotisations sociales sur les bas et moyens salaires n’ont pas permis de sortir de l’ornière. Bien au contraire, elles ont eu pour résultat de paralyser notre économie en tirant les salaires vers le bas, en bloquant le développement de l’emploi qualifié et en fragilisant notre système de protection sociale.
Des solutions alternatives existent. Il nous faut les défendre avec tous ceux qui souhaitent se rassembler à gauche. Pour baisser les charges financières des entreprises, nous proposons un nouveau crédit bancaire pour les investissements matériels et de recherche à des taux d’intérêt d’autant plus faibles que ces investissements programmeraient plus d’emplois et de formations correctement rémunérés. Un pôle financier public incluant la Banque publique d’investissement aurait pour mission de déployer ce nouveau crédit. Les députés du Front de gauche proposent également une modulation du taux de cotisation sociale patronale qui soit favorable à l’emploi, à la formation, aux salaires, et pénalisante pour la croissance financière des capitaux.
Ce n’est pas par la baisse des dépenses publiques et la recherche de compétitivité que l’Europe et notre pays pourront sortir de la crise mais par la relance de l’investissement public et de la consommation, le relèvement des salaires, l’innovation et la promotion de l’emploi qualifié. Pour cela, il faut desserrer l’étau des contraintes que fait peser la financiarisation de l’économie sur l’activité et la pérennité de nos entreprises. Cela suppose aussi de réorienter profondément les critères de financement des investissements et de gestion des entreprises, en substituant aux critères de rentabilité des critères sociaux et environnementaux et en donnant de nouveaux droits et pouvoirs aux salariés et aux citoyens. Cela suppose aussi la maîtrise démocratique des circuits de financement de l’économie.
Oui, il faut que la gauche retrouve l’audace d’affirmer, contre l’artillerie lourde des idéologues libéraux et des actionnaires, que le temps est venu d’un tournant économique majeur et de l’abandon des politiques de compétitivité et de rentes financières, qui minent l’économie de notre pays comme celle de l’Europe.
Chronique publiée dans le journal La Terre.