Air France - Gouvernement - Médias : flagrant délit de violence de classe

Publié le par André Chassaigne

 L’instrumentalisation médiatique du conflit entre les salariés d’Air France et leur direction aura encore une fois confirmé la violence du traitement de la question sociale dans notre pays. Dès que les salariés se dressent pour défendre leurs emplois et dénoncer les mauvais choix économiques du patronat et de l’Etat, ils se retrouvent stigmatisés en fauteurs de troubles, en êtres dénués de capacité de maîtrise et de compréhension des mécanismes de l’économie. Si j’ai tenu à citer Jean Jaurès, en introduction de mon interpellation du Gouvernement le 13 octobre dernier, suite à l’arrestation de six salariés d’Air France, c’est d’abord pour défaire ce discours dominant qui tente d’évacuer la réalité de la lutte des classes acharnée que mènent le patronat et la finance. 
 

 Dix années de droite au pouvoir et trois années de social-libéralisme ont profondément imprégné la société d’une culture néolibérale décomplexée. Au point que l’exaspération et la colère de milliers de salariés aux vies brisées devraient être perçues comme des manifestations mêlant inconscience et immoralité, quand le choix de détruire des emplois devrait être légitimé comme un acte de vertu économique et politique. Cette dévalorisation des droits des travailleurs à se défendre face à l’oppression patronale est constitutive d’une immense régression démocratique. Le droit au travail est proclamé à l'article 23 de la Déclaration des Nations unies de 1948 : « Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage ». De même, la Constitution française n’affirme-t-elle pas, à travers le préambule de la Constitution de 1946, que « chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi » ?
 

 Cette « affaire de la chemise arrachée » n’est pas seulement un bon coup médiatique. Il s’agit d’une stratégie politique de fond pour étouffer toute dynamique du mouvement social. Cet engagement de la social-démocratie aux côtés du MEDEF et de la finance internationale s’est concrétisé dès 2012 : souvenons-nous avec quelle détermination le pouvoir en place a repoussé la proposition de loi des députés du Front de gauche en faveur de l’amnistie des syndicalistes. Cet acte politique, à côté de l’adoption du pacte budgétaire européen, a constitué un marqueur déterminant de ce qu’allait être le quinquennat de François Hollande. 
 

 Dans un tel contexte, n’est-il pas aujourd’hui d’utilité publique de dresser l’inventaire de toutes les violences subies par les dominés, et plus particulièrement par une classe ouvrière que le pouvoir entend ranger en simple variable d’ajustement de l’économie libérale ? Réaffirmons donc avec force notre rejet de toutes les violences patronales et économiques à l’égard de ceux qui produisent toutes les richesses. Dénonçons sans ménagement la violence du capital, cette « violence des riches », qui commence par celle des milliardaires exilant les fruits du travail de millions de femmes et d’hommes sans jamais être considérés comme des « voyous ». Déconstruisons sans relâche cette terrible « violence de la pensée », distillée au quotidien par le discours médiatique et la classe dominante, selon laquelle les dominés ont tort de défendre leurs propres intérêts. Décolonisons les esprits de cette violence permanente des fondamentalistes du marché, déconnectée des réalités sociales et de la qualité de vie des populations, pour lesquels l’humain n’est qu’une machine à générer des profits. Car la bataille est intensément culturelle.

 

Tribune publiée dans le journal L'Humanité sur le thème "Air France, les salariés sont-ils en légitime défense pour leur emploi ?"

 

 

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