Le changement à La Poste, c’est pour quand ?
Le mal-être des agents de La Poste est maintenant connu… Mais pas encore reconnu, semble-t-il. J’ai été personnellement outré par l’appréciation portée par son Président, dans un récent ouvrage : des « gens un peu inadaptés » et qui « n’ont plus leur place dans les entreprises même si, à La Poste, ils restent boucler leur carrière, et font des déprimes à répétition ».
C’est bien un mépris à l’égard de ceux qui sont en souffrance professionnelle qui est ainsi clairement affiché. Et pour cause : il faut bien assumer la politique mise en œuvre ! Depuis la privatisation de La Poste, les réorganisations, fermetures de sites, de bureaux, délocalisations et suppressions d'emploi se succèdent en effet à un rythme effréné. En dix ans, plus de 80 000 emplois ont été supprimés. Le nombre de suicides et de tentatives de suicide continue de s'amplifier au sein du groupe : plus de soixante-dix en 2010 et le constat d'une recrudescence en ce début d'année.
Dans son rapport annuel de 2011, le syndicat professionnel des médecins de prévention de La poste avait alerté la direction : « L'intensification du travail et le resserrement continu des organisations, qui réduisent les marges de manœuvres individuelles et collectives, et les stratégies d'adaptation et l'évolution organisationnelle qui modifient les collectifs de travail et les repères professionnels des agents dans tous les métiers, engendrent une présence plus prégnante de troubles psychiques et de manifestations d'origine psychosomatique ». Dans ce contexte, suicides et tentatives de suicide, étroitement liés à des situations de vie professionnelle, surviennent dans toutes les régions, dans tous les métiers et aux différents niveaux de l'entreprise ; le taux d'absentéisme pour maladie atteint des seuils sans précédent ; les accidents de travail et les maladies professionnelles sont en très forte augmentation ; le mal-être au travail touche tous les niveaux opérationnels de l'entreprise.
Les agents et les encadrants traversent des réorganisations rapides et successives. Mon mandat me fait rencontrer des agents de distribution confrontés à des situations d'épuisement physique et psychique, avec des tournées sans cesse rallongées et des organisations de travail à géométrie variable. Ainsi, ces 16 factrices et facteurs du centre de distribution de Lezoux, dans le Puy-de-Dôme, auxquels La Poste impose un transfert sur une plateforme courrier distante de 15 Km.
Comment, dans ces conditions, la commission mise en place sur la qualité de vie au travail pourrait-elle endiguer les suicides au sein du groupe ? Même si les motivations de passage à l'acte sont toujours difficiles à définir, il apparaît de manière répétée que le lien avec le milieu professionnel est un facteur soit déclenchant, soit aggravant.
C’est un fait : les postiers n'ont plus le sentiment d'avoir les moyens d'assurer un service public de qualité, le malaise social s’est étendu sur l’ensemble du groupe. Il faut maintenant que des mesures concrètes soient mises en œuvre, pour mettre un terme à ces restructurations incessantes où le facteur financier prime sur le rapport humain. Actionnaire de La Poste, l'État ne peut se dédouaner de la responsabilité qui lui incombe. A La Poste, il y a aussi urgence à changer de cap.
Chronique publiée dans le journal La Terre.